L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

22.2.12

"Viens voir ma chatte"

La semaine passée, on n'a pas vraiment échappé à la Saint Valentin. Aucune attitude vis-à-vis de la célébration ne semblait réellement adaptée. Lorsque l'ignorer relevait du défi d'obtus, célébrer l'amour te faisait passer pour le dernier des niais. Sur TEA, nous avons choisi le compromis avec deux playlists ("amours heureuses" et son inverse) tandis qu'à la salle de concert Fri-Son, on se moquait gentiment en programmant "Too Much Pussy", aux antipodes du romantisme. Ce "documentaire de Feminist Sluts en tournée Queer x Show" d'Emilie Jouvet a donné du grain à moudre aux spectateurs. Pour notre part, on n'a réussi à se faire un avis tranché que sur la chouette bande son composée, évidemment, de groupes lesbiens/trans/et al. . En sus, nous avons appris deux-trois trucs sur notre anatomie. C'était intéressant.
TOO MUCH PUSSY
Emilie Jouvet

"Deceptacon" - Le Tigre : Un début à l'aise.
Le pitch du film "Too Much Pussy" est tout simple: pendant quelques semaines de l'été 2009, une bande de meufs se rassemble dans un bus et part en tournée à travers l'Europe. Issues d'horizons divers et variés (2 actrices porno, une écrivaine danseuse burlesque, une prostituée artiste, une performeuse, une DJ...) les filles ont en commun d'être affiliées à une certaine "scène queer". Caméra au poing, Jouvet les a suivies partout entre les performances et les loges en passant par la rue. Elle dévoile ainsi des parties de la vie (et du corps) de toutes ces femmes engagées. Les blablas qui entrecoupent régulièrement les scènes un peu plus "légères" prouvent d'ailleurs par A + B que leur action n'est pas gratuite comme on le craignait au départ. C'est au contraire un véritable choix de vie qu'elle défendent, une réflexion en profondeur sur le corps, le sexe, ses orientations ainsi que la condition de la femme, des fems et d'autres variantes. Le tout est servi dans la joie et la bonne humeur façon road trip ensoleillé, si bien qu'à la longue, on a presque envie d'embarquer avec elles.

"Castles" - Huh-Uh ; Cervix. 
La plupart des artistes de la troupes sont d'ailleurs diplômées. Elles ont des cerveaux et pas uniquement des chattes, des biberons et des trips régressifs à la "va que je pisse sur scène". Elles vivent comme elles l'entendent et le racontent car le tabou est l'ennemi. On en entend sur les fantasmes muselés par la bienséance. Des envies de violence ou justement, de régression, qui font culpabiliser au lieu d'être assouvies sans honte. Elles débattent aussi du "post porno" (alors qu'on ne savait même pas que cela existait) pour conclure: "Si tu n'aimes pas le porno tel qu'il est, tu n'as qu'à faire mieux toi même". Et puis d'autres fois, ça parle juste maquillage ou tampons. Mais le mieux du mieux, c'est quand Sadie Lune se fout un machin de gyneco dans le vagin et invite les gens à regarder son col de l'utérus avec une lampe de poche. Grâce à son numéro, les femmes mais aussi les hommes découvrent une partie du corps généralement connue uniquement par les praticiens. Et comme elle le fait de façon tout à fait relax et, si l'on peut dire, asexuée, on ne se gène pas trop de regarder. Au moins maintenant, je sais à quoi ressemble mon fort intérieur.

Parallèlement au côté fun et accessible du film, la vie de gouine a aussi des côtés plus sombres. On (ré)apprend notamment en filigrane l'histoire de l'attentat de Tel Aviv, lorsqu'un homme armé a blessé et tué plusieurs personnes LGBT dans la ville israélienne. Lors des faits, la troupe du "Queer x Show" se trouve à Copenhague. Elles participent alors à une procession-hommage, roulent des pelles à des inconnu(e)s et brûlent des bougies. C'est touchant, mais c'est aussi triste de voir que la cause ne rallie que des gens du bord. "Nous ne sommes en sécurité qu'au sein de notre communauté" commente à ce titre l'écrivaine Wendy Delorme. Pas cool. En ce sens, on pourrait voir "Too Much Pussy" comme une espèce de message-pro-tolérance. Car à force de suivre les filles, tu te rends compte qu'elles ne sont pas forcément différentes de tes potes. Ce qui est surtout vrai si tes amis se baladent seins nus, distribuent des flyers en disant "Viens voir ma chatte." et font régulièrement des séances de taï-chi collectives sur le pont d'un ferry.



"Girlfriend" - Näd Mika feat Sexy Sushi : Chats.
Alors qu'elles ne se connaissaient pas toutes au départ, les filles de la troupe développent au fil des jours des liens forts. Il est vrai qu'elles sont attachantes, ces meufs. En plus d'être apparemment très voir totalement décomplexées, elles rient, s'énervent et pleurent dans la vie comme sur scène. Sous milles atours ou totalement éffeuillées, on les sent toujours sincères (à part peut être lors de quelques orgasmes feints pendant certaines performances). Le "problème", c'est que la limite entre le show et la réalité devient mince, tant leurs vies sont hypersexuées. Au point où on a l'impression qu'à force de vouloir militer pour un sexe libre sans complexes, elles sont tombées dans l'extrême inverse, au "ban" d'une société où la chose se fait encore dans l'intimité des chambres à coucher. Pour ne rien arranger, la caméra suit vraiment TOUT. Cela veut dire que l'on observe qui se tape qui et comment. Jusqu'à ce qu'on ai l'impression qu'il n'y a plus aucune forme d'intimité. On peut trouver cela gênant, ou juste dégoutant. Et puis on est tellement submergé de chair (flasque) et de minous, qu'on finit par s'en lasser. Trop de chat tue le chat. Non, vraiment, ce film ne donne pas envie de se toucher.

"Summer Love" - Chose Chaton : "Every time we fuck we win!"
Mais qu'on ne s'y méprenne pas. Dans l'ensemble, "Too Much Pussy" est un documentaire plutôt réussi. S'il passe un peu à côté des revendications féministes dont il se veut porteur, il fait avant tout découvrir des personnalités intéressantes. On glâne des infos, on se pose quelques questions et puis on découvre deux-trois musiciens chelous aux côtés de groupes plus connus tels que Le Tigre (nos préférés sont ceux en lien dans l'article mais si jamais, la liste complète se trouve ici). Quant aux performances, elles font souvent penser à une version trash (si possible) des shows délirants de Peaches et de Bonaparte. Au final, c'est le slogan scandé dans une chanson spécialement composée pour l'occasion qui résumera le mieux le film: "Every time we fuck we win!". En particulier à la Saint Valentin.