L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

7.3.12

Petit canari ébouriffé chantant comme Dieu


Les rééditions ont cette capacité de nous rappeler l'existence de groupes géniaux (parfois) mais dont on avait quelque peu oublié l'existence. Le label 4AD vient de ressortir en vinyle Stars And Topsoil, une compilation des meilleurs morceaux des Cocteau Twins, initialement parue en 2000.  L'occasion idéale pour se (re)plonger dans la  dense discographie de ce trio des années 80. 

La vie à Grangemouth, morne ville d'Écosse, doit sentir un peu le moisi quand on est jeune en 1979. Deux garçons d'à peine 20 piges décident de faire de la musique. Un soir dans un club ils remarquent une fille qui danse, et ils lui demandent de chanter pour eux. Coup de bol,  Elizabeth Fraser a une voix magnifique. Le groupe se baptise d'après une chanson de Simple Minds quand ils ne s'appelaient pas encore Simple Minds et faisaient encore du punk. Très vite, les Cocteau Twins signent chez 4AD, le label britannique qui connait ses grandes heures dans ces années-là justement. A la sortie de Garlands, en 1982, la critique voit une grande parenté avec Siouxsie And The Banshees et qualifie hâtivement le trio écossais de gothique. S'il est vrai que ce premier album est plutôt sombre, à l'image de l'excellent "Blind Dumb Deaf", les Cocteau Twins, au fil d'années prolifiques (six LP entre 1982 et 1990) explore plutôt du côté de la dream pop, mâtinée de guitares plus heavy. Mais la grande caractéristique des Cocteau Twins est la voix de leur chanteuse. Elizabeth Fraser, bien qu'elle fasse un peu peur avec ses grands yeux clairs et sa coiffure de petit canari énervé, gagne mille points de charisme quand elle émet des sons. La soprano a la voix féérique (on parlera plus tard de heavenly voices), habitant chaque morceau d'une aura singulière. Quelqu'un a dit une fois que c'était "la voix de Dieu", ni plus ni moins. Elle a aussi une façon toute particulière de chanter ses textes, la plupart du temps on ne comprend même pas ce qu'elle raconte, comme si elle s'attachait plus à la façon de chanter des paroles qu'aux paroles elles-mêmes. Après la période 4AD, les Cocteau Twins ont signé deux albums sur une major, avant de se séparer en 1997. Depuis, chaque membre s'est essayé à la carrière solo et Robin Guthrie et Simon Raymonde ont fondé le label Bella Union, qui a un catalogue plutôt recommendable.



La compilation Stars And Topsoil est une excellente synthèse de la musique du groupe. Elle permet aux novices de découvrir les Cocteau Twins dans leur ensemble (ou quasiment, il n'y a pas les deux derniers albums - mais ce ne sont pas les meilleurs) et aux amateurs de s'épargner l'écoute intégrale de la discographie (parce qu'au bout d'un moment la voix de Liz monte à la tête tout de même). Si le disque est aussi bien foutu, c'est sûrement parce que c'est le groupe lui-même qui a pioché dans sa dense discographie les morceaux qu'il souhaitait, et presque chaque EP et LP est représenté. L'ordre chronologique a été retenu, ce qui permet de distinguer au mieux l'évolution musicale du trio. Certes, l'ensemble de leur oeuvre est très cohérent, et les différences peuvent ne pas sauter aux oreilles aux premières écoutes, mais l'on remarque une discrète transition du sombre au plus lumineux. De "Blind Dumb Deaf" à "Heaven Or Las Vegas", titre limite variétoche qui sera la porte d'entrée du groupe vers le mainstream ou presque. On avouera avoir une préférence pour les morceaux plus vieux, particulièrement ceux qui suivent, profitez de cette réédition pour en faire votre musique ambiante du moment :

"Blind Dumb Deaf", Garlands, 1982


 "Sugar Hiccup", Head Over Heels, 1983


"Pandora", Treasure, 1984


"Lorelei", Treasure, 1984