[Guest : Marie]
La plupart des magazines pour nanas ont des articles type "J’ai testé pour vous : se faire épiler les mollets à la cire d’abeille de Mongolie/traverser Paris en Louboutins de trentre huit centimètres à cloche pied/écouter plus de trois chansons de Nicki Minaj sans sauter par la fenêtre". J’ai décidé de garder le concept, mais aller dans la direction opposée : voici donc "du glamour, de l’aventure, et un peu plus de déodorant que prévu : ce qui se passe lorsque l’on arrête de se raser pendant six mois".
1- Les gens
Spoiler : ils s’en foutent. Je m’attendais secrètement à ce que l’on se mette à me jeter des cailloux dans la rue et que tout le monde change de trottoir en voyant mes mollets velus arriver à l’horizon, mais nada. Rien. En vingt-cinq semaines, le pire que j’ai eu était probablement le type qui, après avoir sifflé et crié "Eh ! Belles jambes", s’est senti obligé de rajouter "Enfin tu devrais peut être te raser quand même". Je ne m’y attendais tellement pas que j’ai fini par exploser de rire - recevoir des conseils mode par des étrangers dans la rue c’est cool, mais réaliser qu’on vient plus ou moins de se débarrassé de tous les relous qui t’auraient normalement accostée, ça n’a pas de prix.
2- Les amis
C’est là que les choses se compliquent un peu – critiquer les choix personnels de parfaits inconnus est plutôt fort de café, mais gentiment sursauter quand une amie enlève son pull au pub est bien plus facile à faire. Et Dieu sait que ça m’est arrivé – les questions gentiment polies comme "Hm, tu vas vraiment aller te baigner comme ça ?", j’en ai eu a la pelle. C’est parfois agaçant, mais généralement distrayant de voir comment les gens réagissent ; mes préférés sont ceux qui se forcent à être très enthousiastes, et qui passent dix minutes à me dire que je suis géniale, et tellement courageuse, et que putain, ils adoreraient pouvoir le faire. Conseil : plus vous en rajoutez, plus ça se voit que vous êtes légèrement terrifiés. Il y a generalement un moment où il faut arreter de creuser. Je ne vais pas me mettre à pleurer si vous admettez que la fourrure ce n’est pas vraiment votre truc.
Parce que merde, c’était quand même le truc qui me tracassait le plus quand j’ai décidé de balancer mes bandes de cire à la poubelle – et en fin de compte, il n’y avait vraiment pas de quoi en faire tout un plat. Je pense que je me souviendrais pendant longtemps du moment où le premier garcon avec qui j’ai couché a enlevé mon tshirt – je ne vais pas le nier, la première chose qui m’est passé par la tête était "Oh mon Dieu il va voir mes aisselles, crier, se rouler en boule et appeler sa mère". Et pareil quand j’ai enlevé mes collants. Sauf que, une fois de plus, rien ne s’est passé du tout. J’étais Presque déçue. On a enlevé nos vêtements, couché ensemble, j’ai fumé une cigarette, et fin de l’histoire. Pareil pour les garcons suivants : tout le monde s’en fichait que j’ai un peu plus de poils sur certaines parties de mon anatomie.
Et d’ailleurs, tant qu’on y est, soyons crus l’espace d’un instant : parlons cunnilingus. Je sais que la plupart des filles avec qui j’ai parlé epilation m’ont dit qu’elles continuaient en partie parce qu’elle avaient envie que leur copains/amants/coups d’un soir passent la tete entre leur cuisses. Flash info : ça ne fait pas de différence – en tant que bisexuelle de service je peux vous assurer que c’est plus une question de goût (han, han) qu’autre chose. Si votre mec trouve ça vraiment dégueulasse, c’est qu’a priori il ne lèche pas au bon endroit. Voilà. C’est dit.
4- Les choses sérieuses
Si vous pensiez vous en sortir sans au moins quelques lignes de propaganda féministe, vous aviez tort – j’aurais dû prevenir, je sais, mais désolée, et trop tard. Ce que j’ai essaye d’expliquer – certes maladroitement – au dessus, est que l’on vit dans une société où toutes les femmes sont convaincues que leurs vies changeront au moins un peu si elles arrêtent de se raser. C’est, bien évidemment, des conneries – une fois passé le cap du "Ah putain ça repousse et ça gratte et ça fait bizarre", j’ai réalisé qu’en fin de compte, je ne venais pas de faire grand-chose. L’idée au debut me paraissait presque insurmontable, voire absurde, surtout parce que je ne l’avais jamais considérée sérieusement : jusque là, j’associais generalement ‘jambes poilues’ avec ‘vegan’ et ‘dreadlocks’. Et en fin de compte, c’est un peu ça, le problème : même si je n’ai pas vraiment eu d’expérience négative à cause de mes poils, j’ai souvent senti qu’on me mettait dans la case ‘féministe hardcore’ sans même y penser. L’idée qu’une fille plus ou moins normale ait décidé de laisser pousser ses poils sans raison politique particulière n’est passée par l’esprit de personne ou presque. D’où ma requête à la moitié féminine du lectorat de TEA : on s’en branle que vous soyez feministes ou pas, avec ou sans dreadlocks – rejoignez le clan des poilues pendant quelques temps. Quelques semaines ou quelques mois, peu importe – laissez tomber le rasoir, et regardez vous de haut en bas dans le miroir. C’est l’une des premiers choses que j’ai faite apres avoir réalisé que je ne m’étais jamais vue à poil et aux poils. C’est un peu étrange au debut mais on s’y habitue. Et puis merde : en tant que française a l’étranger, je peux vous assurer que tout le monde en dehors de nos frontières pense que l’on ne s’épile pas, donc vous n’avez pas grand-chose à perdre.
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Bonjour, je m’appelle Marie, j’ai vingt ans et je ne sais pas vraiment quoi dire. J’aime picoler pendant des heures et parler trop fort de cul et de politique. Quand je serai grande j’aimerais être journaliste, mais en attendant je fume des clopes et je me mets dans des situations embarassantes. Mes passions dans la vie sont les Photoshops foireux et me moquer des gens-qui-travaillent-dans-la-mode. Je viens de Nantes, habite à Londres depuis trois ans, et pense partir au Chili dans deux ans. Je mange des pâtes à presque tous les repas, et ça va faire presque trois mois que je n’écoute plus que les Shins, Johnny Flynn et X-Ray Spex.