EUROCKÉENNES DE BELFORT 2013
SAMEDI 6 ET DIMANCHE 7 JUILLET
Pour leur 25ème anniversaire, les Eurockéennes affichaient Emiliano Zapata sur leur étendard. D’où choisit-on un mexicain révolutionnaire en guise de mascotte pour un grand raout ? Probablement depuis que la photo du Che par René Burri orne les trousses de tous collégiens. C’est vrai qu’il est beau ce cliché sur fond jaune. Il pique les yeux. Et pour ceux qui reconnaissent le personnage, ça fait jeunesse insurgée, ça incarne des valeurs et ça tombe bien quand on veut souligner le caractère novateur du rendez-vous franc-comptois. C’est vrai au fond, les Eurockéennes sont un des premiers festivals de France, aussi bien en âge qu’en taille. Muy bien. En tout cas, Zapata a donné un beau prétexte aux navettes Optymo (qui assurent le service entre le camping et le festival) pour distribuer des sombreros à tout un chacun. Il faisait trop chaud quoi, il fallait se protéger. Et la jeunesse rebelle et ivre (de sensations fortes) ne s’est pas privée, en agrément, de se peindre des moustaches sur la lippe. Au fond c’est l’attitude "no-limits" typique des festivals que Zapata incarnait le mieux.
Le jusqu’au boutisme de la teuf que sont les Eurocks se retrouvait surtout au camping. Tu sais que ça fait six ans que tu viens et que tu es un vieux clou quand tes voisins se lèvent "pour aller voir les résultats du Bac". Trop mignon. Un peu moins quand les mêmes énergumènes te bassinent avec leur musique d’un goût discutable jusqu’au petit matin avant de s’écrouler sur ta tente. C’était le point vieille aigrie. Heureusement, la fatigue croissant avec les jours était contrebalancée par une programmation en crescendo. Alors que jeudi et vendredi n’avaient que peu enthousiasmé nos oreilles, on a été mieux servies samedi et surtout dimanche. Juste de quoi imprimer la totalité de l’édition d’une aura lumineuse qui donne envie de revenir, encore et encore.
SAMEDI
La journée commençait tôt avec Black Rebel Motorcycle Club. Le créneau choisi était un peu surprenant mais en fait, le rock de bitume sale et chaud colle bien au soleil de plomb. (On en aura une preuve supplémentaire avec les Black Angels le dimanche). Tout de noir vêtus, dissimulés derrière leurs Ray-Bans, les BRMC transpirent le sexe et la vieille cave. Des voix rocailleuses qui, étonnamment, ne se distinguent que très peu (Peter et Robert se sont décidément bien trouvés) alternaient tout au long du concert. Alors qu’on avait trouvé le dernier album un peu faible par rapport aux précédents, on a été rassurées par une setlist constellée de tubes ("Ain’t No Easy Way", "Berlin", "Beat The Devil's Tatoo") et un final magnifique sur "Spread Your Love". On aurait bien raboté un bout à Two Door Cinema Club qui jouaient plus tard dans la soirée pour donner plus de temps à ces superbes Ricains.
Non contentes de trouver enfin un peu de rock sur cette programmation (non mais sérieux, à quoi bon s’appeler euROCKéennes autrement ? - Encore faut-il que le mot "rock" aie du sens) on a retrouvé les italo-bordelais JC Satan sur la Loggia. C’est toujours un peu émouvant de voir des "petits" groupes qu’on a vus et revus en cave sur des scènes de festival. Trop plaisant en fait, d’autant plus qu’avec l’expérience accumulée pendant ces dernières années, ils ont une super présence sur scène. Ils s’amusent, sourient à tout va et puis le public a l’air super content d’entendre leurs chansons expéditives de sales gamins.
Arrive ce moment absurde où l’on voit Pedro Winter annoncer Dinosaur Jr. sur la scène de la plage ("La Plage à Pedro" pour la journée). C’est cool de sa part même si on a un peu du mal à associer Ed Banger et J. Mascis dans nos têtes. Ca n’a pas eu l’air de perturber les vieux dinos pour autant et les vieux briscards de toute la région en ont eu pour leur argent. Il y a même eu une reprise des Cure.
Pour clôturer ce samedi soir finalement pas si mal (si l’on excepte un gros trou dans la programmation après les dinos), on a été super surprises en bien par Phoenix. Les Versaillais nous avaient laissé un souvenir périssable lors des Eurocks 2009, mais là, ils ont été magnifiques. De l’entrée en scène clichesque sur de la musique baroque jusqu’à l’enchaînement de morceaux qui a suivi, c’était lumineux. D’abord il y a eu "Entertainment" (du nouvel album), suivi par "Lasso", "Lisztomania" et "Long Distance Call", à la bien. Le sourire timide et ému de Thomas Mars en prime et plus rien ne pouvait les arrêter. "C’est la première fois qu’on joue devant autant de gens en France" a même affirmé le chanteur. Venant d’un groupe qui cartonne à Coachella c’est un peu bizarre mais le bonheur de la troupe était tellement communicatif qu’on ne pouvait plus trop douter de leur sincérité. Même visuellement ils ont mis le paquet : des faux billets de banque ont été projetés sur le public (allusion au dernier album Bankrupt). Et puis Thomas a peu à peu dévoilé son charme, s’est démené en baladant partout le traditionnel fil rouge de son micro. Il a même fait un slam sur le public. On a rarement vu un concert aussi plein d’amour.
DIMANCHE
Sans doute la meilleur journée de cette édition, le dimanche des Eurockéennes 2013 était un véritable marathon. Sur la ligne de départ se trouvaient les jeunes Palma Violets. Bizarrement, on n’en a pas retenu grand chose musicalement parlant. Par contre, ils se sont forgé une sympathie en béton armé auprès du public en pétant complètement les plombs sur scène sur la fin de leur set. Plus rien n’a fonctionné comme on pouvait s’y attendre à partir de ce moment là ; le chanteur a invité un type sur scène avec lequel il s’est empressé de chanter une chanson. Puis tous les garçons à l’exception du batteur se sont mis à danser et à slamer à tout va. Gros WTF étonnamment plaisant. Et drôle en mode "running gag" puisque le même chanteur a re-slammé pendant les Vaccines, qui enchaînaient sur la même scène. Enfin, "enchaîner" c’est un peu vite dit car le groupe s’est en fait pointé avec près de quarante minutes de retard, la faute à leur van bloqué à la frontière. Du coup, ils ont joué un petit set atrophié avec le matériel des Palma Violets (c’est beau la solidarité grand-britonne) et pour dire qu’ils sont arrivés en trombe, sans faire de balances, ils s’en sont très bien sortis.
Suivaient les Black Angels, un des meilleurs concerts de ce festival. C’était tout simplement génial et tombait à point nommé : le soleil orangé de la fin d’après-midi, la torpeur lourde, l’ivresse, le psychédélisme hypnotique de la musique. Combo de la mort qui tue.
Et puisqu’on était dans le psyché, la programmation enchaînait tout naturellement avec un des derniers groupes devenu "grand" sur la scène indé récemment : Tame Impala, autre super concert de cette édition. Kevin était comme d’habitude tout frêle derrière son micro, s’effaçant derrière les visuels multicolores et la musique aux dimensions variables du groupe. Déjà qu’ils ont des clips super beaux, ils ont été les seuls candidats sur la Greenroom à ne pas afficher des extraits filmés de leur prestation sur les écrans latéraux de la scène. C’était magistral notamment quand après le single "Half Full Glass of Wine" au riff imparable, ils se sont lancés dans un intermède krautrock assez long. Tout ça avant de reprendre le fameux riff et d’enchaîner sur "Elephant". Génial. Avec en plus "Feels Like We Only Go Backwards" à chanter à tue-tête, "Solitude Is Bliss" pour la nostalgie de l’été 2010, et les petites interventions mignonnes en français de Kevin (merci la copine Melody pour les cours de langue) c’était vraiment superbe.
Plus tard, les bouchons d’oreilles étaient de rigueur pour My Bloody Valentine. Ceux-ci ont balancé tout le meilleur de Loveless au début (on ne se lassera décidément jamais de "Only Shallow") si bien qu’après coup, ça nous a semblé plus mou. Toujours aussi avares en paroles et toujours aussi incompréhensibles dans le chant un peu en retrait, ils ont fait du shoegaze comme on l’attend, le regard braqué sur les pieds. D’après nos souvenirs, ils faisaient quand même vachement moins de bruit qu’à la Route du Rock en 2009 et qu’à Kilbi cet année. D’après une conversation avec leurs techniciens, c’est parce qu’ils n’ont emmené qu’une partie de leur matériel sur cette tournée par manque de place. Il n’empêche que même sans une partie de leur mur d’amplis, la limite légale du niveau de dB était balayée comme un fétu de paille.
Tout le public qui avait fui les ondes massives de MBV s’agglutinait déjà devant la grande scène bien avant que Blur n’entre en scène. Tête d’affiche du festival, Damon Albarn et sa troupe on livré une prestation tout à fait honnête pour clôturer le week-end. C’était assez fou d’avoir la chance de les voir enfin sur scène, surtout aussi souriants et avec un Alex James en short/pieds nus. Ils avaient l’air contents d’être là et Damon sautillait partout. Tous les tubes ont été balancés ("Country Side", "Parklife", "Sunday Sunday", "For Tomorrow", "Beetlebum") et surtout, surtout, ils ont commencé avec "Girls and Boys" et fini en rappel avec "Song 2". Normal.
Au final, les Eurockéennes de cette année s’en sont pas mal tirées niveau bons concerts, bien que ces derniers se soient concentrés principalement sur les deux derniers jours de l’édition. Fidlar, The Black Angels, BRMC, MBV, les surprenants Phoenix, Alt-J, La Femme ou encore JC Satan resteront en mémoire comme les meilleures prestations du festival. Quant à l'ambiance sur la plaine du Malsaucy, c'est toujours un joyeux mélange décomplexé. Parfois, la concentration de gens pénibles est un peu lourde comme pendant Major Lazer, d'autres fois, le public est un peu mou comme pendant Blur. Mais très souvent, les festivaliers des Eurocks sont plutôt communicatifs et énergiques. Loin de la hype des événements plus confidentiels, certains concerts jouissent d'une fosse plus électrique que la normale et c'est bien chouette. Rien que pour ce genre de constatation, et pour se laisser surprendre par des groupes qu'on n'aurait pas forcément vu autrement (Airbourne, Phoenix, ...), ça fait du bien de visiter des grands raouts de temps en temps.