Une bonne demie-heure passée avec les Thieves Like Us dans les minuscules loges (si on peut appeler cela ainsi) du Saint Ex à Bordeaux m'aura appris des choses : ils n'aiment vraiment pas les journalistes musicaux, ni la plupart des musiques que les autres font, et ont eu des problèmes d'alcool et de cleptomanie. Sinon, l'Américain Andy Grier et les Suédois Björn Berglund et Pontus Berghe sont sympathiques, donnent des indices quant à leurs futurs EP et album (après le très bon Again and Again sorti chez deBonton) et ont délivré un set efficace quelques minutes plus tard.
INTERVIEW THIEVES LIKE US
TEA : Vous avez dit que vous aviez commencé à jouer uniquement parce que vous n'aimiez pas ce que les autres groupes du moment faisaient. Mais vous dites aussi que maintenant, vous aimez mieux la musique qui se fait. Imaginons que vous vous étiez rencontrés il y a seulement quelques mois, le projet Thieves Like Us n'aurait jamais existé, car vous n'étiez plus frustrés ?
Andy (chant, guitare) : Sûrement oui. (rires)
Björn (claviers) : C'était une question de timing. Bien sûr qu'il y a encore des choses à faire avec la musique, mais ça a changé, les gens ont changé.
Andy : Et nous sommes plus ouverts aussi, plus tolérants.
Björn : Oui mais ça c'est parce que la musique a changé, surtout l'électro. Je pense qu'elle est utilisée de différentes façons comparé à il y a six ans quand nous avons commencé. Je pense que c'est plus mature, et plus chouette à regarder. Quand nous avons commencé, la musique électronique était vraiment vraiment stupide.
Andy : Je pense qu'il y a plus de song writing. Avant c'était le même genre de groupes d'électro débile comme Peaches, ou beaucoup d'ordinateurs portables, des gens qui ne faisaient même pas de chansons.
Björn : Et je pense que c'était pire car nous étions à Berlin.
C'est vrai que vous vous êtes rencontrés à un pique-nique à Berlin ?
Andy : Oui. Nous ne sommes pas si bizarres. C'était une sorte de pique-nique traditionnel.
C'est bucolique.
Andy : Alcoolique.
Pontus, tu as dis dans une interview pour Hartzine que « le journalisme musical est, traditionnellement, un domaine qui attire les ratés », tu peux développer ?
Pontus (batterie) : Hum, je pense que le journalisme musical n'est pas très précis, c'est un peu mou. Ils ne font pas assez d'efforts pour chroniquer un album. Tu as une phrase ici et là, ou tu as quelqu'un qui se focalise beaucoup trop sur un aspect que lui juge important, mais qui n'est pas du tout intéressant pour les autres. Le journalisme musical a toujours été mauvais, depuis trente-quarante ans. Les musiciens n'ont jamais aimé les journalistes, même si ceux-ci disent du bien d'eux. C'est comme ça. Et je pense aussi que les journalistes musicaux se sentent plus importants qu'ils ne le sont. Parce que tu n'écris pas quelque chose dans le grand livre de l'Histoire quand tu écris une chronique, mais par contre le disque sera dans ce livre de l'Histoire... s'il est bon, ou s'il est intéressant. Je pense que les journalistes sont trop sérieux par rapport à ce qu'ils font. Et ils ont une façon d'émettre des avis si rapidement en n'écoutant l'album qu'une ou deux fois... Ils sont stressés, ça reste leur métier, bien sûr, mais en tant qu'artiste, avoir quelque chose de chroniqué par quelqu'un qui n'a pas eu assez de temps pour écouter ton album comme il se doit, c'est mauvais. Bien sûr, s'il déteste ça et écoute l'album dix fois et le déteste toujours autant, bien, tu vois, au moins il sait ce qu'il dit. Mais la plupart du temps ce n'est pas comme ça.
Andy : Je ne pense pas qu'ils font assez de recherches aussi, comme la biographie du groupe, et je pense que c'est extrêmement important. Je crois que c'était dans le NME que quelqu'un a écrit que nous étions juste de riches yuppies ou un truc du genre.
Pontus : Ouais, et c'est le NME donc tu sais qu'un million de gamins vont lire ça alors que c'est totalement faux. Nous venons de familles modestes, de classe ouvrière, nous pouvons faire ce que nous faisons uniquement parce que nous travaillons dans des restaurants. Si tu veux travailler dans un restaurant, tu peux trouver du boulot n'importe où. Donc c'était vraiment surprenant, surtout qu'il l'a écrit sans aucune preuve. Mais je sais que le NME c'est de la merde, et je sais que 95% des journalistes musicaux sont des trouducs. Des trouducs même pas éduqués. Ils pensent qu'ils sont des journalistes, mais il le sont pas.
Mais vous ne pensez pas que les journalistes musicaux vous aident, en faisant découvrir aux lecteurs de nouveaux groupes, et qu'ainsi ils ramènent des gens à vos concerts ?
Pontus : Non.
Andy : Parfois.
Pontus : Tu sais, maintenant, avec les groupes, n'importe qui peut écrire n'importe quoi. Donc je pense que tu peux trouver plein de mauvais écrits. Et quand tu tournes quelque chose en mots, ce ne sont plus que des mots. Les sons n'ont rien à voir avec les mots. Écrire sur la musique n'est pas objectif.
Il y a tant de choses que tu ne peux pas retranscrire en écrivant. Maintenant les journalistes peuvent être juste des jeunes, ce qui parfois peut être bien hein (regard entendu vers moi), mais comme maintenant tout le monde peut le faire, peut être que les journalistes ne servent plus à rien. Je pense que les interviews sont bien plus intéressantes.
Il y a tant de choses que tu ne peux pas retranscrire en écrivant. Maintenant les journalistes peuvent être juste des jeunes, ce qui parfois peut être bien hein (regard entendu vers moi), mais comme maintenant tout le monde peut le faire, peut être que les journalistes ne servent plus à rien. Je pense que les interviews sont bien plus intéressantes.
Björn : Mais continue de faire ce que tu fais (sourire).
C'est vrai aussi que vous avez composé "Drugs In My Body" en seulement six heures ?
Björn : Quelque chose comme ça. Je pense qu'on l'a enregistrée en trois heures environ.
C'est assez dingue...
Andy : Ça s'est juste passé comme ça.
Björn : Et quand on l'a écoutée, on a fait genre « Merde, ça sonne bien ».
Andy : On ne pensait pas trop au début.
Björn : Ça ne s'est jamais reproduit depuis.
Vous planchez déjà sur un troisième disque ?
Pontus : Oui.
Björn : En fait, maintenant, nous travaillons sur un EP que nous voulons sortir en avril. Donc nous essayons de le terminer entre nos concerts. Je pense qu'il y aura quatre chansons dessus. Et juste après ça, nous commencerons à bosser sur le nouvel album, ce qui va nous prendre beaucoup de temps, cet été.
Et votre son va changer ?
Björn : Il va changer, mais progressivement.
Andy : Nous allons avoir une voix féminine, une chanteuse.
Björn : Et la disco meurt, je pense. Les gens sont très fatigués par les groupes qui essaient de faire de la musique de club, c'est trop rapide.
Andy : Je pense que tu entendras encore que c'est nous, mais ce sera plus mélodique.
Björn : Plus adulte.
Qui s'occupe de votre artwork, vos pochettes de disques ? Car vous avez une forte identité visuelle, à mon avis.
Andy : C'est un ami à nous.
Pontus : Nous faisons presque tout nous même : nous écrivons la musique et la produisons, et faisons presque tout ce qui est de notre capacité. Dont l'artwork.
Andy : Les vidéos.
Vous pensez utiliser toujours ce genre de visuels ?
Andy : Ouais, ce sera toujours des photos je pense. Quand nous avons commencé, il y avait une autre réaction, je veux dire, regarde la pochette de One Life Stand d'Hot Chip, c'est extrêmement laid... Yeasayer et ces dessins étranges, même Grizzly Bear.
Pontus : Je pense que c'est important que ton artwork parle un langage que tu puisses reconnaître. Quand les gens voient une photo, même sans texte, ils peuvent savoir que c'est nous.
Andy : Au début, je pense que c'était seulement de la paresse, genre « Ok, ça rend bien, les gens aiment ça, on a qu'à le refaire ».
Pontus : Mais j'aimerais mieux qu'il n'y ait pas de texte en fait.
Andy : Les gens seraient peut être confus.
Votre plus grande fierté ?
Andy (une bière à la main) : Avoir arrêté de boire.
Thieves like us, qu'est ce que vous avez donc volé ?
Andy : Je pense que nous avons beaucoup volé quand nous buvions. Je bossais dans un club branché à New York et j'avais l'habitude de voler des portables et ensuite je les revendais sur Ebay. Mais ils appartenaient surement à des banquiers ou des trucs du genre.
Björn : Nous volions aussi du matériel de musique quand nous avons commencé à jouer. Mais ça dépendait des salles.
Andy : Nous bossions dans un vestiaire dans un club pour les gens super riches. Ils étaient millionnaires donc nous les volions.
Un peu comme Robin des Bois en fait.
Andy : Oui, ces gens gagnaient beaucoup trop d'argent.
Vous ne vivez plus à Paris ?
Björn : Je vis encore à Paris.
Andy : Berlin.
Pontus : Milan.
C'était une bonne expérience, de vivre tous ensemble à Paris ?
Andy : Je pense que c'était marrant d'y être pendant un temps, mais c'est très cher et assez aliénant. C'est une société très fermée.
Pontus : Les Parisiens ne sont pas très avenants. Ils ne vont pas marcher vers toi et dire « J'aime ta tête, on va s'amuser ce soir ! »
Andy : Ouais, et quand tu parles anglais, ils ne sont pas curieux et ne te demandent pas « Oh, d'où est-ce que tu viens ? », ils font juste (dédaigneux) : « Oh, tu n'es pas français... »
Björn : Mais ça nous a aussi donné beaucoup de temps pour faire l'album, de ne pas avoir de distractions sociales.
Pontus : Ce n'est pas que nous n'aimions pas Paris, on n'aime pas n'importe quel endroit où nous allons, nous sommes un peu des outsiders.
Andy : Et nous avons toujours besoin de bouger.
Si vous étiez une femme célèbre ?
Andy : Oh, c'est si prévisible pour moi...
Pontus : Anita Pallenberg !
Andy : Elle est sur mon mur. Mais non, c'est bizarre, je n'ai jamais songé à être elle. Je ne sais pas. Ce n'est pas le genre de questions auquel je pense.
Björn : Moi non plus.
Andy : Ok, je veux être un mix entre Brandy et Nastassja Kinski.
Pontus : Je veux être Beyonce.
Björn : Mmmh, probablement une française.
Pontus : Sophie Marco (sic) !
Andy : Non, ta femme !
Björn : Elle n'est pas célèbre. Pas encore. Mais elle va être sur notre EP, c'est elle notre chanteuse.
Le nom du fanzine est TEA, vous aimez le thé ?
Andy : Oui, absolument, j'aimerais en boire plus, mais le café...
Björn : Le thé c'est bien.
Pontus : Le thé c'est super !
Pour finir, une blague à raconter ?
Andy : Ah c'était quoi ? « A pirate walks into a bar with a steering wheel sticking out of his crotch. The bartender says “did you know you have a steering wheel sticking out of your crotch?” and the pirate says “Arr, it's driven me nuts.” »
Pontus : Nous ne sommes pas très drôles.
Drugs In My Body
Never Known Love