Dans le royaume du mp3, il reste encore des groupes qui conçoivent des albums comme un entier. Une jolie brique à poser sur l'édifice de sa carrière. Chez LIARS, la construction s'apparente à un mur en légo bigarrés, ou bien, à l'image de la pochette de leur dernier disque Mess, à une toile d'araignée faite de fils de toutes les couleurs qui partent dans toutes les directions. Lorsqu'on interviewait Foals, en 2010, on avait déjà discuté de cette étonnante capacité à se réinventer à chaque sortie. Et comme la TEAm a particulièrement aimé le très dansant dernier LP (Mess) (surtout l'enchaînement PARFAIT des deux premiers morceaux "Mask Maker"/"Vox tuned D.E.D"), l'opportunité d'en parler directement avec les intéressés était inratable. On s'est donc retrouvées face à Angus, le chanteur, pour parler d'albums concepts et d'un tas d'autres trucs. Plié en quatre pour se faire une place dans son fauteuil des minuscules loges de La Superette (à moins que ce soit un effet d'optique dû à la taille du personnage) Angus s'est montré plutôt bavard sur le sujet, tout en ne cachant pas son admiration pour d'autres groupes qui semblent faire de la musique, "just for the sake of it" (voir aussi là et là).
INTERVIEW LIARS
Vous avez beaucoup dit que cet album avait été créé spontanément, par opposition au précédent, WIXIW, qui était très travaillé et marquait votre première expérience de composition avec des instruments électroniques. Est-ce que vous avez réellement réussi à vous lâcher suffisamment pour faire ce que vous aviez prévu ? Vous donnez l’impression d’un groupe très réfléchi, qui conceptualise chaque disque.
Oui, on a réussi, dans le sens où on s’est dit "si je fais quelque chose, alors ça va être sur l’album". On a fait exprès de ne pas s’accorder beaucoup de temps. On a essayé de se limiter à un mois... alors que la composition de l’album précédent nous avait pris près de trois ans. C’est vrai que ça n’était pas facile, il faut parfois se forcer à "laisser aller". Mais c’était dans l’idée qu’on avait pour cet album et on a abouti à un résultat dont je suis personnellement très content.
Est-ce qu’il y a une réelle différence entre des groupes qui conceptualisent hyper leurs albums et d’autres qui, disons, composent en se bourrant la gueule dans un garage ?
Haha. Non, la plupart du temps quand je me prépare à composer un album, je préfère ne rien écouter pendant un moment. Pendant ces périodes, j’essaie de me couper totalement du reste. J’essaie de ne pas mater de films, de ne pas lire, j’essaie de me "stériliser" la tête d’une certaine manière. J'espère alors que ce que je crée vient vraiment de moi. Mais j'ai quand même l'impression que je suis facilement influençable. Par exemple si je suis dans ma voiture et qu’à la radio ils passent un truc débile, genre les Foo Fighters, alors j’aurai envie de faire une chanson avec de la guitare. C'est ce que j'essaie d'éviter.
Mais en termes de qualité, tu préfères de la musique qui a été pensée, conceptualisée, comme vos albums, ou bien plutôt de la musique que je qualifierais de plus directe, spontanée ?
Personnellement je suis plus intéressé par le concept. Ça dépend vraiment de ce que l’on recherche. Pour LIARS, j’aime concevoir chaque album comme une pièce à part, avec à chaque fois une manière différente d’appréhender notre travail. Parfois, ça me plairait effectivement bien qu’on soit "juste" un groupe de mecs bourrés dans un garage, mais ça ne nous correspond pas.
Donc pour vous, même le fait de rechercher à faire de la musique spontanément, c’est un concept en soi, pas un truc qui vient naturellement.
Oui, c’est ça. C’était l’idée derrière Mess. Parfois, on devient trop cérébral. Du coup, on a cherché à voir ce qui se passe quand on travaille avec les tripes et pas avec la tête.