L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S
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24.7.13

[GUEST 2] L'air de rien

[Guest : Noémi]

J’aime avoir l’air occupé. C’est simple. Je me rase de près, je porte un costume urbain et élégant. Je marche vite. Je contracte légèrement les traits de mon visage. Ça suffit. Amplement. J’ai l’air super busy busy. Dans les faits, je ne remue pas grand chose. J’habite chez ma mère. Je cherche du travail. On imagine que je passe mon temps à regarder la télé ou à télécharger du porno et des documentaires sur la Seconde Guerre Mondiale. Mais c’est faux. Car la joie, l’immense extase de faire croire aux habitants de la ville, la grande ville, que je travaille, beaucoup beaucoup, que j’ai des responsabilités, des rendez-vous, des décisions à prendre, jour après jour, sans rien faire, si ce n’est déambuler, ça c’est merveilleux, ça ça vaut toutes les branlettes d’une vie, ça ne s’explique pas, je transporte ce plaisir dans les rues, je le dissimule sous mon expression préoccupée, je jouis au milieu de la foule, en tout anonymat. Je m’autoproclame membre de la caste des gens qui font les choses.
Nous nous reconnaissons, toujours, entre nous, nous ne nous sourions pas, jamais, nous évaluons la quantité et la gravité de nos devoirs respectifs.
Je dévalue l’homme qui marche devant moi. Chemise et cravate, ce n’est pas assez, cet homme est un imposteur, il se donne juste des airs, à coup sûr. Il prend le métro entre Union et Eglington, il sort de la station et s’engouffre dans un Starbucks, il commande un tall latte whipped cream and cinnamon, il ouvre son laptop, il compose des emails à trois temps. A midi, il reprend le métro vers le sud, descend à King, marche vers l’est, il va à St Lawrence Market, il déambule entre les hipsters, réajuste sa fausse cravate et commande un fish & chips, les meilleurs de la ville, la ville monstrueuse, il dit que c’est pour faire détendu, mais il est déjà détendu. Il est toujours détendu. Rien ne l’attend, nulle part. Il est 100 % pâte molle, il ingère du gras qu’il ne mérite pas. Il continue son errance empressée jusqu’à Queen Street. Il s’engage sur Queen West, il passe fièrement devant les boutiques sans les regarder. Il teste son impact sur les jeunes diplômées, qui vont dépenser l’argent qu’elles n’ont pas encore gagné. Il a un smartphone collé contre l’oreille. Pas de tonalité et zéro notifications Facebook. Je le suis. J’observe ses stratégies. Il se retourne et me sourit. Quelle erreur grossière. Il a l’air niais. Personne n’y croit. Mais il a déniché un immeuble à Dundas et Younge, où il est possible de déambuler de gauche à droite et de droite à gauche en faisant grande impression. J’irai là-bas, dans quelques mois, quand la zone sera libre à nouveau.
Quant à moi, rue, bus et métro le matin et en fin d’après-midi, aux heures où il est crédible que je me rende quelque part. Entre deux, je change de rôle. Je prends le train ou je me pose sur une terrasse, coffee shop ou wine bar, je fais semblant d’écrire. J’ai un Moleskine, le cahier des grands. J’y écris ma liste de courses ou la liste des prénoms que je veux donner à mes enfants. Ou alors, obsessivement, les deux lignes de mon CV. Ma date de naissance, mon nom en entier. Le titre de la chanson qui passe (quand je ne sais pas, j’invente). En tous cas, ça n’arrête pas. Je peux écrire du rien pendant des heures. Rien que pour sentir les regards qui convergent, qui cherchent à déchiffrer. Ils n’y parviennent pas. Au début, ils m’inventent des noms célèbres, des titres de best-sellers, puis, frustrés, ils se disent que c’est juste du bluff. Ils ont raison et ça ne fait rien. Il y aura toujours, sur moi, pour moi, ces quelques instants de quête fébrile, de curiosité infantile.
Parfois, et ça ça m’angoisse, une jeune femme arrête ses pensées sur ma main créatrice. Sans lever les yeux, je peux sentir son corps qui se tend et se penche. Vers moi. Même elle ne s’en rend pas compte. Elle posera une question innocente, à dessein. S'attendra à ce que je comprenne, à ce que je l'invite pour un café, puisque nous sommes déjà tous deux assis là, dans cet endroit cosy cosy. Mais ça ne prend pas. J'ai bien essayé, les premières fois, de tirer parti de ce magnétisme opportunistes. Mais ça me file des crises d'angoisses. Je me barre, elle ne proteste pas, elle a compris la supercherie.
Il y a tellement de bars où je ne peux plus aller.

14.11.12

"Le rap s'est imposé à moi comme une évidence"

Je suis nulle en rap, je n'y connais rien et puis je me fais facilement embobiner. C'est le cas pour 1995 par exemple : il y a quelques mois je jetais une oreille amusée à "La Flemme" parce que oui moi aussi et hop, s'enchaînent "Le Milliardaire" et autres "Rénégats" en mode replay sur ma playlist sobrement intitulée "peura frouze". Prise au piège par de prétendus usurpateurs d'un esprit auquel je ne connais rien ou séduite par des as de la rime qui remettent au goût du jour un flow qu'on croyait perdu? Je n'en sais rien, je n'en ai cure. 1995 c'est cool pour shaker son boule, point. C'est tout ce que je demande. Pour se laisser aller pleinement au vice il a donc absolument fallu les voir en vrai, en concert, et même de près, dans une tentative d'interview un peu vaine. On y a sagement écouté les blagues des branleurs (pardon mais quand même) fatigués étalés sur leurs canapés. Sans rancune, la prestation scénique hyper enjouée quelques heures plus tard a fait passer la pilule comme une lettre à la poste. A partir de maintenant TEA se lance dans le rap. On n'a pas fini d'être étonnées.

(Nekfeu, Alpha Wann, Sneazzy, Areno Jazz, manquent DJ Lo et Fonky Flav)

INTERVIEW 1995

Premier constat dès l'arrivée à Fri-Son: 1-9-9-5 a des fans bien hardcore. Non mais sérieux, on n'avait plus vu de pique-niqueurs de quinze ans depuis qu'on avait nous même quinze ans. C'est un peu flippant mais bon, pas le temps de grignoter du Babybel sur le trottoir humide : le groupe nous attend, et il est ponctuel (ça aussi c'est flippant, et pourtant c'est vrai).
On entre, on serre des pinces, on surprend Areno Jazz au sortir de la douche (mais ouais salut) et, au final, on a droit à Nekfeu et Alpha Wann pour l'interview. Cool. Les 3 derniers membres du groupe sont réquisitionnés dans une autre pièce pour un entretien radio des plus expéditifs. Le cadre posé, chacun des six étalons est est calé dans son box et on peut commencer : 

Messieurs les faiseurs de "musique de langue", comment cultivez-vous votre verbe? Vous lisez? (Peu ou prou). L'affirmation fuse, puis on se fait plus nuancé; ils lisent, certes, lisaient surtout. Aujourd'hui c'est le rap qui accapare la langue, le temps et l'esprit. Ils citent tout de même des favoris qui nous étonnent: genre Tolstoï "Guerre et Paix" pour Nekfeu ou "Le Prince" de Machiavel lu par Alpha Wann. Ca fait un peu poseur pour des types qui se gardent bien d'affirmer des positions politiques nettes dans leurs textes. Mais en fait, selon eux, la lecture a surtout forgé un certain vocabulaire aujourd'hui prêt à l'emploi dans leur rap. Pour illustrer, Nekfeu parle d'une espèce d'effet "casino" où les mots défilent dans sa tête comme sur une machine à sous pour compléter ses phrases. Ok.

11.5.12

"I want that girl, I need that girl"


Strange Hands 
Dead Flowers

Une des choses géniales à Bordeaux, c'est qu'il y a plein de groupes de garage. 
Un des problèmes de Bordeaux, c'est qu'il y a plein de groupes de garage.
Oui, à la fin c'est presque fatigant, tout le monde fait un peu la même chose, chaque soirée se ressemble. 
Alors, quand une nuit d'hiver tu t'engouffres dans la cave du Saint Ex qui exhale le champignon et que tu te retrouves devant trois mecs de 20 ans et quelques qui te servent un set tellement énergique que tu danses comme jamais et achètes leur vinyle, alors là, tu te promets de les suivre de près. Voilà pourquoi on attendait avec impatience la sortie du premier album des Strange Hands.

Trois Bordelais donc, Lucas, Melvyn et Victor, qui chérissent les années 60 et le psychédélisme qui va avec. En 2010, ils sortent un premier maxi, Dead Frozen Deer, sur le label néerlandais A Fistful Of Records : quatre morceaux menés par l'insolente énergie de la jeunesse, brouillons mais super entêtants. 

Deux ans plus tard, il semblerait que le groupe ait mûri, leurs références sont mieux digérées, ils ont pris le temps de composer des morceaux plus aboutis. Cela sonne toujours comme du garage typique des sixties, mais le sens aigu des mélodies dont fait preuve le trio, ainsi que la crâne façon du chanteur de poser sa voix donnent un on-ne-sait-quoi d'irrésistiblement attrayant. Et puis il y a le choix des instruments : guitares douze cordes et surtout, surtout, orgue vintage. Comme dans le single "Love Illusion" par exemple, porté par ses alarmants claviers.

14.1.11

Petits cons

Désolée d'avoir à te dire ça comme ça, mais tu as déjà raté ta vie.
Ben oui, à 20 ans, tes occupations se limitent à foirer tes partiels, aller à des concerts, trouver un CDD à McDo, ou encore passer des lustres à bosser une chanson tout seul dans ta chambre même si tu sais déjà que personne ne l'écoutera. Loser.
Alors qu'à ton âge, les Smith Westerns, ils sont sur Pitchfork, apprennent l'existence de nouveaux pays en tournant un peu partout, et sortent leur deuxième album ce mois-ci.


Smith Westerns
Dye It Blonde

En 2009, alors que tu ruminais contre ce gus qui venait de renverser du vin sur ton perfecto, les quatre chicagoans sortaient déjà The Smith Westerns, une réjouissante première galette un peu trop lo-fi qui leur avait valu un honorable 7.7 sur Pitchfork, quand même. Bonne nouvelle, pour leur second effort, ils ont investi dans un vrai studio et c'est vachement mieux. La formule, ils ne l'ont pas vraiment changée, du glam et du garage avec des paroles simples qui causent surtout filles. Mais dans Dye It Blonde, il y a nettement plus de tubes en puissance, des morceaux à passer en soirée et à chanter à tue-tête avec tes amis alcoolisés qui confondront toutes les chansons mais s'en foutront (c'est vrai que tout se ressemble un peu dans ce disque). Citons comme ça le single "Weekend" qui tourne déjà pas mal chez les gens bien, "Still New" et ses guitares qui gémissent, le génial refrain de "End Of The Night", le slow pour pécho "Smile"... Tout l'album peut y passer. 

"Weekend"
"Still New"

"The End Of The Night"


Ce n'est même pas étonnant d'apprendre qu'ils sont amis avec Girls, leur son se rapproche assez de celui des concerts des San Franciscains, l'insolente jeunesse en plus. Les Smith Westerns sont rien moins que des petits cons qui ont vraiment réussi leur coup. Peut être bien que dans quatre mois on ne les écoutera même plus, mais en attendant Dye It Blonde peut tourner en boucle jusqu'à épuisement.

Et en fait t'as de la chance que les Smith Westerns soient pas trop canons, sinon ta copine serait déjà partie.

19.6.10

brave (adj) : 1.courageux 2.honnête 3.gentil mais stupide


THE STRANGE BOYS
BE BRAVE

Country rock ou blues rock c'est un peu le genre de termes qui en règle générale me donne envie de m'enfuir en courant. C'est dur de résister aux à priori. Sauf que l'album dont vous voyez la pochette ci-dessus, je l'ai écouté juste après l'avoir trouvé dans ma boîte aux lettres, en n'ayant comme renseignements que le nom du groupe - The Strange Boys-, et le nom de leur disque -Be Brave.

J'ignorais donc que The Strange Boys faisaient ce qu'on appelle du country rock, un truc qui sonne vieux et américain quoi. Mais trop tard pour mettre pause, les trois premiers morceaux sont beaucoup trop bien pour qu'on ait envie d'arrêter le disque. Ça commence par "I See", son harmonica et ses sons carillonnants mignons, prend de l'ampleur avec le schizophrène et bigrement réussi faux slow "A Walk On The Bleach", et arrive au sommet avec le single "Be Brave" (ah ! ses choeurs et son solo de saxo ! et puis ça rappellerait un peu les Black Lips tiens). Hop ! c'est dans la poche ! Même si après les chansons se font moins pop et plus anecdotiques et ressemblent fichtrement à Bob Dylan par moments (avec "Friday In Paris", on y croirait, vraiment, faut dire que le chanteur des Strange Boys a lui aussi une voix nasillarde et criarde à souhait). Et puis "Night Might" avec ses guitares qui chantent ainsi que la lancinante "Laugh At Sex, Not Her" (et les paroles qui vont avec) arrivent et on se répète encore que mince, ces Garçons Étranges sont doués, et qu'on aime décidément beaucoup leurs chansons format poche (deux ou trois minutes environ).
Be Brave est sorti depuis plusieurs mois, mais on avait trop peur que vous soyez passés à côté pour ne pas en parler. Pourquoi avec eux ça fonctionne alors que généralement le blues/country rock c'est pas notre tasse de thé ? Sûrement parce que ces Texans là sont encore jeunes et sont un savant mélange de fougue et de nonchalance. Rough Trade ne s'est pas trompé en les signant pour ce deuxième album.

Des Garçons Étranges ? En même temps, on a toujours préféré les garçons compliqués.

11.12.09

"Je jouerais beaucoup avec mes seins"


D'après le compteur d'iTunes, j'ai écouté "Dressed To Digress" trois cent soixante dix sept fois. La chanson dure trois minutes et dix secondes, donc si on multiplie par trois cent soixante dix sept, il apparaît que j'ai passé mile cent quatre vingt quatorze minutes, ou encore vingt heures de ma vie à entendre ce morceau. Ceci en même pas un an et demi. Ça fait beaucoup.

Je devrais peut être en avoir honte, car si "Dressed To Digress" a tellement tourné, c'est sûrement à cause des soupirs orgasmiques du chanteur qu'on entend dessus. N'empêche, cette chanson aurait dû être un tube. Bon, depuis "Dressed To Digress" a été remasterisée et c'est un scandale, ça fait beaucoup moins mouiller la culotte qu'avant. Le groupe derrière cette chanson, c'est BOY CRISIS, cinq New Yorkais dont nous vous parlions déjà en début d'année, et qui tardent franchement à sortir leur premier album (qui pourtant était prévu pour le 5 octobre dernier). Les BOY CRISIS ont aussi annulé leur venue au festival des Inrocks Tck Tck Tck le mois dernier. Pour les punir, nous leur avons posé des questions.

TEA : Où peut-on trouver votre album ?
Victor (chant) : Nulle part pour l'instant. Mais je pense que tu peux le pirater en cherchant bien sur Google.
Il n'est pas encore sorti ? Pourquoi ?
C'est une bonne question. Vous pouvez la poser à notre label en écrivant à cette adresse : BOX 50320, London, UK. W4 2YG.

Pourquoi un tel nom, BOY CRISIS ?
C'est un acronyme : Brilliant Opportunistic Youth Creating Really Interesting Sounds In Space.

Crise économique ou crise d'identité ?
Boy Crisis.

Quel est le secret pour soupirer comme ça ?
Il n'y a pas vraiment de secret : exercices réguliers et régime sain.

Quand on écoute des chansons comme "Chicken Song" ou "All That She Wants", c'est difficile de vous trouver sérieux. En réalité, vous l'êtes ou cherchez juste à vous amuser ?
"Amusement" et "sérieux" ne doivent pas forcément s'opposer. Tu peux sérieusement t'amuser. Nous sommes cinq personnes différentes qui font de la musique pour plusieurs raisons, dont s'amuser, et aussi le désir humain de créer des choses qui semblent ne rien exprimer d'utile au delà de leur esthétique, et puis l'envie de parraître aussi attractif que possible pour les filles. Certains de ses désirs peuvent parfois entrer en conflit avec les autres. Personne n'a un seul but clair et précis de faire quelque chose. Nous prenons juste nos différents désirs et peurs et les confrontons pour en faire quelque chose semblant logique et rationnel.

Vous buvez du thé ?
Yeah.

Quand allez-vous jouer en France ?
Dès que quelqu'un veut nous payer nos billets d'avion.

Si tu étais une femme célèbre ?
Je jouerais beaucoup avec mes seins.


magnifique photo trouvée sur leur site
thanks to Victor Vazquez and Lee Pender.

14.4.09

Grand n'importe-quoi obscène



Boy Crisis. Encore un groupe de New York qui fait parler de lui (même si leur myspace dit qu'ils viennent d'Irak). Des potes des MGMT en plus. Sauf que ces sales gosses là n'ont pas encore d'album, à peine une poignée de chansons bidouillées, absurdes, et souvent parlant de fesses. Mais le NME les aime déjà. Et nous sommes bien d'accord avec l'hebdo anglais cette fois-ci.
"Dressed To Digress" n'a étrangement pas été un super tube en 2008, il le sera peut-être cette année. En tout cas, ce morceau a du potentiel (les soupirs suggestifs du chanteur-plein-de-poils y sont pour beaucoup dans l'affaire ). Dans la même veine, vous pourrez écouter "L'Homme", "1981", "Ganglion Of Lightnings" et l'absurde "chicken song", et ensuite clamer la bonne nouvelle, en passant ces sensuels mélanges d'electro et de pop à toutes vos soirées.



En plus, Boy Crisis voue un culte aux ours qui font du vélo. Ça rajoute beaucoup à leur crédibilité.