L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

9.4.10

"Tu peux être gentil quelle que soit ta coiffure"


GIRLS
INTERVIEW

Vous vous souvenez de "Lust For Life" l'année dernière ? Du nombre de fois où vous aviez dansé dessus et regardé le joli clip ? Vous vous rappelez du slow ultime "Hellhole Ratrace" ? C'était Girls, c'était chouette. La vague est un peu passée depuis, mais il suffit de réécouter leurs chansons pour retomber sous le charme fissa. Mercredi 17 mars, ils passaient à Nantes. J'en ai profité pour les rencontrer.
Le bar de l'Olympic, faiblement éclairé, en fin d'après midi. A la table, face à moi, deux San Franciscains. Chet White et Christoper Owens. Ce dernier a des Doc Martens vertes fluo, un pull jaune moutarde et des ongles oranges. Ils ont tous les deux l'air très fatigués, mais peut être ont ils pris quelques substances au préalable. Leur gentil tour manager leur apporte du café. L'interview commence. Ils ne sont pas bien bavards au début. Surtout Christopher, le chanteur, qui donne ses paroles au compte goutte et souvent se contente de me fixer avec un sourire timide. Et puis l'atmosphère se détend. Chet rit tout le temps. Et la demie heure passe bien vite. Les deux bougres sont franchement intéressants et sympathiques. Dans l'interview qui suit, vous apprendrez notamment que les Girls écoutent Mariah Carey et Miley Cyrus, qu'ils trouvent que la Saint Patrick c'est pour les beaufs, que Christopher voudrait être une petite princesse américaine et qu'ils ont de sérieux problèmes pour nommer les choses.

TEA : Depuis l’année dernière, vous n’arrêtez pas de tourner, n’êtes-vous pas fatigués ou blasés ?
Christopher Owens (chant, guitare) : Ouais…
Blasés ?
Christopher : Fatigués.
Mais vous aimez tourner quand même ?
Chet ’JR’ White (basse) : C’est pas si cool de tourner, je veux dire, rouler n’est pas si cool.
Vous préférez être en studio ?
Christopher : Ouais, on préfère enregistrer.
Quand allez-vous rentrer chez vous ?
Christopher : Bientôt, genre dans quelques jours. C’est la dernière date de la tournée.
Et vous êtes heureux de rentrer…
Christopher : Ouais.

Pourquoi avoir choisi de vous appeler Girls ? Vous êtes des menteurs ?
(ils sourient)
Chet : Nous ne sommes pas des menteurs. Ce n’est pas à propos de nous…
C’est parce que vous aimez les filles ?
Christopher : Quelque chose du genre oui. (sourire)

Et vous avez intitulé votre album, "Album", vous n’étiez pas inspirés ?
Chet : (rires) Non, on n’avait pas d’idée. On n’aimait aucun autre nom. On ne voulait pas lui donner de nom. C’était quelque chose comme… Ce n’était pas comme un concept tu vois. Je pense que c’est peut être parce que le disque avait beaucoup d’aspects différents. Peut être que pour le deuxième album, eh bien, nous auront beaucoup d’idées, comme une préméditation, comme par exemple ce que nous ferons comme pochette peut être. Mais là, c’était juste une collection de chansons que nous avions enregistrées nous-mêmes juste pour s’amuser, sans aucun label ni rien à l’époque. Donc c’est juste comme heu, juste un truc, tu vois. Album était une partie de la vie de Chris sur laquelle il avait écrit, tu sais, des paroles sur sa vie, et on a essayé de trouver un nom mais… Et il a fait une pochette, et a écrit "album" à l’endroit du titre, et on était genre "J’aime ça". Et ensuite on a fait beaucoup de photos de nos amies, toutes des filles tu sais, et alors on a pensé que ça pourrait être comme un album photo.
Et votre deuxième album s’appellera Album 2 ?
Christopher : Ca se pourrait.
Chet : Non, on ne sait pas.
Et vos avez commencé à penser à ce deuxième album ?
Chet : Ouais, on y pense… (long silence, on n‘en saura pas plus)

Même pas peur d’appeler une chanson exactement comme une d’Iggy Pop ?
Christopher : C’était ça le truc. Le truc c’est que tu ne peux pas posséder une phrase ou un titre comme ça. Je pense que le titre "Lust For Life" convient parfaitement à la chanson, tu vois. Il n’y avait pas d’autre titre pour cette chanson. Il n’y a pas de problème, tu vois. Je suis sûr qu’il y a d’autres chansons qui s’appellent "Laura", "Summertime"…
Chet : "Darling"…
Christopher : Tous les noms sont utilisés…
Chet : Nous étions conscients que ce titre était déjà pris mais on était genre "On a fait une chanson pop cool aussi, donc nous aussi on peut avoir ce titre." On pensait que c’était une super chanson, il a écrit une super chanson aussi, donc il n’y a pas de concurrence.

A propos de "Hellhole Ratrace", j’ai une histoire à vous raconter. L’année dernière, mon petit frère a fait une fête pour son anniversaire, et j’étais censée être le DJ. A un moment j’ai passé "Hellhole Ratrace", pour jouer un slow. C’était complètement dingue de voir tous ces jeunes adolescents danser un slow sur cette chanson. Et mon petit frère a embrassé la fille avec laquelle il dansait, il a eu son premier baiser sur votre chanson, sur "Hellhole Ratrace" !
(ils ont un laaaaaaaaaaaarge sourire pendant l’histoire, Chet rit)
Chet : Trop mignon !
Christopher : C’est cool.
C’était sûrement la meilleure chanson de 2009 pour choper, vous allez faire une nouvelle chanson pour choper encore plus en 2010 ?
Christopher : Ouais, bien sûr. On travaille pour chaque personne tu sais, donc c’est cool d’entendre ça.
Chet : Si tu nous promets que ton frère n’embrasse personne avant qu’on ait enregistré cette chanson.

Et cette chanson appelée "Curls", c’est par rapport à ton ancien groupe, Christopher ?
Christopher : Ouais, c’était une de nos chansons. Et… Dans l’autre groupe je n’étais pas le chanteur, donc c’est pour ça qu’on a laissé ce morceau en instrumental. Si tu connais l’histoire, ça prend tout son sens. Donc c’est cool quand les gens comprennent pourquoi il n’y a pas de chant dans ce morceau.

Vos chanson sont très différentes les unes des autres, c’est parce que vous ne vouliez pas être coincés dans un seul genre en particulier ?
Chet : C’est exactement ça. On ne voulait pas faire un disque qui sonne comme une seule et même chanson, pareille du début à la fin.
Donc si on veut décrire votre musique, quels mots doit-on utiliser ?
Chet : NOTRE musique. (rires) Je ne sais pas. Quand les gens me demandent ce que je fais, je dis "J’ai un groupe" et la première chose qu’ils demandent ensuite c’est "Quel genre de musique ?" et je ne sais jamais quoi répondre.
Christopher : Je pense que c’est pas notre boulot. Notre boulot, c’est juste de faire de la musique, pas de lui donner un genre ou un nom.
Chet : C’est juste une mauvaise question. Si tu vas dans un magasin de musique, regarde dans quelle section on est et voilà. C’est une question étrange. Quand on joue, on dit juste que c’est du rock‘n’roll. Quand on dit « pop », les gens pensent à un truc comme Justin Timberlake. C’est une question stupide. Surtout quand tu es musicien… Pour moi, c’est juste du rock‘n‘roll. (rires)

Christopher, tu as dit dans d’autres interviews que quand tu as commencé à écrire, tu ne pouvais plus t’arrêter, c’est toujours vrai maintenant ?
Christopher : Je n’écris plus aussi souvent qu’avant. A cause des tournées. Mais quand je serai de retour à la maison, je recommencerai.
Tu as besoin d’écrire ?
Christopher : Euh, ouais. J’ai besoin de faire quelque chose, tu vois, pour l’instant, écrire est excitant… Alors ouais, la réponse est « oui », carrément, parce que je suis heureux quand j’écris, donc je le fais.

D’après vos clips, vous faites des parties d’enfer, vous m’invitez à la prochaine ?
Les deux : Ouais, bien sûr.
Christopher : A San Francisco.
Chet : On va te donner notre mail pour quand tu iras à San Francisco.
Christopher : Et on t’invitera.
C’est cool de vivre et de faire de la musique à San Francisco ?
Chet : Je sais pas. Pour moi, c’est cool ! (rires)
Vous déménagerez un jour ?
Christopher : Peut être.
Comme les groupes qui déménagent à New York parfois…
Chet : Oh, en tant que groupe, non, je pense pas. Ca ne compte pas vraiment d’où tu viens, pour un groupe. On n’ira jamais à New York, c’est sûr.

Et vous pensez que vous appartenez à une certaine scène ou non ?
Christopher : Non…
Chet : Tu sais, à San Francisco, il y a genre des formations vraiment différentes. Il y a du garage rock, mais à côté, il y a tous ces gens différents qui font de la musique très variée… Mais on traînent tous ensemble, donc c’est ça la scène de San Francisco. La scène, c’est que nous n’appartenons pas à la même scène, tu vois ce que je veux dire ? C’est un endroit petit, où tout le monde traîne ensemble, tu sais. On n’a vraiment pas de scène, mais comme on sort ensemble, la scène se créé.

Si vous pouviez prendre des drogues avec quelqu’un de célèbre, qui choisiriez vous ?
(rires)
Christopher : Wow ! Pete Doherty.
Et que se passerait-il ?
Christopher : Je ne sais pas, c’est pour ça que je veux prendre des drogues avec lui.
Chet : Je voudrais probablement me droguer avec Pete Kember et Jason Pierce, pas maintenant, mais dans l’Angleterre de l’époque.

Quel est le pire concert que vous ayez joué ?
Christopher : Par chance, je ne m’en souviens pas. Parce que nous essayons de nous rappeler seulement des bons. Mais je ne sais pas. Sûrement un où le batteur n’arrivait pas à battre le rythme.
Chet : Quand le batteur ne faisait pas son travail.
Christopher : Le batteur faisait des erreurs… Je ne peux plus m’en rappeler.

Par rapport à votre hardcore gay edit de votre clip "Lust For Life", pensez-vous à vous reconvertir en producteurs de films porno si votre musique ne marche plus dans le futur ?
(rires)
Christopher : Ouais, peut être. C’était marrant (rires), je veux dire, c’était cool de faire ça.
Chet : On pourrait écrire des bandes originales pour des films porno…La pornographie c’est pas si cool tu sais, je veux dire, c’est pas si super que ça. Enfin, c’est bien pour une certaine raison mais… (rires)

Si vous étiez une femme célèbre, qui seriez vous ?
Christopher : Dakota Fanning. C’est une actrice, c’est la meilleure actrice, pour quelqu’un de son âge. Et elle est super. Elle ressemble à une petite princesse américaine. Exactement ce que j’aimerais être si j’étais une fille.

Tu as parlé dans d’autres interviews de ton enfance dans la secte des Enfants de Dieu, penses-tu que c’est important pour les gens de savoir ce qui s’est passé dans la vie des artistes qu’ils écoutent ?
Christopher : (tout de suite) Non. Je veux dire, tu eux écouter de la musique toi-même à la radio, sans savoir ni le nom du groupe ni d’où il vient, ni qui joue dedans et ça ira très bien. Toutes les autres choses, toutes les choses dont on parle, c’est pour genre, les nerds ou les fans. Ils veulent en savoir plus. Mais aucune information n’est importante. La seule information qu‘il faut savoir, c’est qu’est-ce que te fais cette musique. C’est la seule chose qui compte.
Donc tu dis ça juste pour vos fans ?
Christopher : Ouais, je veux dire, comme je lis moi-même des livres sur les groupes que j’aime. Tu sais, plus tu aimes un groupe, plus tu veux en savoir sur eux. Les gens continuent de nous poser des questions, donc on continue de leur en dire plus sur nous. Mais la musique est aussi bonne que si on n’avait jamais fait d’interviews de notre vie.
Ce n’est pas trop dur de parler de cette période de ta vie ?
Christopher : Non, je m’en fiche de parler de ça. C’est pas grand-chose.

Votre plus grande fierté ?
Les deux : Notre album.

Christopher, tu as trente secondes pour nous convaincre que ta coiffure est super, qu’as-tu à dire ?
(rires)
Christopher : Trente secondes pour dire que ma coupe de cheveux est super ? Bien. C’est super parce que les gens l’aiment, d’une. De deux, elle est partagée par beaucoup d’hommes merveilleux du passé, comme Kurt Cobain, Kevin Shields, tous les membre de Chapterhouse… Mais tu sais, ça ne compte pas vraiment. (rires) Tu peux être gentil quelle que soit ta coiffure.

Le nom du fanzine est TEA, vous aimez le thé ?
Chet : Ouais, je veux dire, le thé c’est bien.
Christopher : Je crois que le thé est un peu un rituel. Tu dois vraiment être dedans. Donc c’est un peu étrange.
Chet : On aime le thé avec de l’opium.
Christopher : C’est super bon, tu devrais essayer (rires). Ca te fait te sentir bien.

Quelle est la dernière chanson ou le dernier livre que vous avez aimé ?
Christopher : Je suis en train de lire les journaux de Keith Haring. C’est super bien. Ca sonne comme un vieux truc. Il avait l’air d’être un mec cool, un homme super.
Chet : Honnêtement, "Fantasy" de Mariah Carey est une chanson que j’ai vraiment aimé.
Christopher : "Party in the USA" de Miley Cyrus est plutôt chouette aussi (rires)

Quel est votre futur proche ? Rentrer à la maison et ensuite ?
Christopher : Rentrer à la maison et ensuite faire une tournée aux Etats-Unis. Après, on va jouer au festival Coachella en Californie. Et puis on prendra du temps pour enregistrer.

Aujourd’hui c’est la Saint Patrick, ça vous fait quelque chose ?
Christopher : On n’est pas irlandais alors…
Chet : Vous fêtez la Saint Patrick ici ?
Quelques personnes…
Christopher : Des pochtrons.
Chet : Et la célébration consiste en quoi ?
Les gens vont dans des pubs irlandais et boivent.
Christopher : Tous les gens qui font ça en Amérique sont genre, des gens ennuyeux, horribles.
C’est naze de fêter la Saint Patrick ?
Chet : Ouais ! Je veux dire, faire la fête, c'est bien. Le problème, c’est qu’ils ne font que boire des pintes de bière, hurler, crier. Ca a un peu une mauvaise réputation. Si tu as besoin d’une excuse pour faire la fête… Quand tu as une putain de chance de faire la fête, de sortir avec d’autres gens, c’est juste triste de ne faire que boire.
(ils font des cris de hooligans et miment des gens ivres)
Christopher : Et ils doivent porter un truc vert, c’est ridicule.

D’après Pitchfork, vous avez fait le dixième meilleur album de 2009, vous êtes contents ou vous vous en moquez ?
Chet : Je m’en fous.
Christopher : Je m’en fous assez aussi.
Chet : Je veux dire, tu sais, je n’en parle pas aux gens. Ca aide juste à ramener plus de monde à nos concerts.
Et vous êtes contents que d’autres personnes découvrent votre musique…
Christopher : Ouais, surtout ton frère. On veut vraiment faire quelque chose que tout le monde puisse aimer. Comme des adolescents trop cools ou des adultes…
Chet : Ouais, sur internet, on est sur des blogs de jeunes étudiants, comme des indie rockeurs cools tu vois… (Il se perd dans de longues explications) C’est vraiment cool d’être connectés avec des gens qui n’ont pas de barrières à propos de la musique. Je veux dire, ils ne savent pas pourquoi ils aiment ça, c’est super tu vois. Je veux toucher tout le monde. (Il rit et brandit sa main). C’est une touche très personnelle. Tout le monde.

Pour finir, vous avez une blague stupide à raconter ?
Chet : Je suis tellement nul pour me rappeler des blagues…
Christopher : J’en ai une… Mais je crois que je l’ai déjà racontée… Je suis tellement nul pour me rappeler des blagues.
(Dan, le tour manager, arrive)
Christopher : Hey Dan ! Tu as une blague ?
Dan : En français ?
Christopher : Non, en anglais.
Dan : Je connais que Knock Knock
Chet : J’en ai une stupide. C’est la pire blague du monde. «What is the hardest part about being a roller blader ? … Telling your parents that you’re gay » (ils rient) Mais ça ne marche pas en France, c’est pas la même culture.
Christopher : Okay, donc « Why couldn’t the lifeguard save the hippie? » (pourquoi le surveillant de baignade n’a pas pu sauver le hippie ?) Tu vois c’est quoi un lifeguard, genre, nager.
Chet : Hippie hippie !
Christopher : « Because he was too far out, man! »
(rires)
Christopher (avec un grand sourire) : C’est impossible à expliquer ! Okay, donc si tu es un hippie et qu’on te demande ce que tu penses de telle ou telle chose, l’hippie répond « Far out, man! ». C’est comme s’ils planaient. Les hippies sont far out, loin. Et c’est cool. Donc pourquoi le surveillant de baignade n’a pas pu sauver le hippie ? Parce qu’il est trop loin. Ca veut aussi dire qu’il était trop loin dans la mer, mais les hippies sont aussi loin dans leurs têtes...

Avant de partir, les Girls me rappellent "See you in San Francisco". La proposition donne envie.
A la fin du concert, leur guitariste fraîchement embauché parle aux jeunes restés devant l'Olympic. Il est irlandais et aimerait bien aller en centre ville fêter la Saint Patrick, pas sûr que Christopher et Chet soient d'accord.