Jacco Gardner
Cabinet of Curiosities
Dans son dernier bouquin paru en 2011, Retromania, l'excellent journaliste Simon Reynolds défend la thèse que l'on n'a rien inventé musicalement parlant depuis les années 90, et que maintenant, on ne serait pas foutus de faire autre chose que des revivals nostalgiques. Un constat un peu triste et jugé exagéré par certains détracteurs, mais n'empêche. D'ailleurs, un des meilleurs albums de ce début 2013 tombe en plein dedans, dans la rétromania.
Jacco Gardner est entouré de morts. Ses idoles absolues sont Syd Barrett, Duncan Browne ou encore Curt Boettcher. Et de fait, à l'entendre, on croirait que la musique s'est arrêtée au début des années 70. Dans son Cabinet of Curiosities, son premier album, ce gamin de vingt-quatre ans expose sa pop baroque et psychédélique en douze morceaux largement empruntés aux 60s.
C'est sûrement parce qu'il vient d'une ville des Pays-Bas à l'air passablement morose (Hoorn, la ville d'où venait le mec qui a découvert le cap Horn) que Jacco Gardner s'est dévoué corps et âme à la musique. Et aussi parce que ses grands frères et soeurs sont en plein dedans. A treize ans, le petit Jardinier (oui le traduit comme ça) écrit déjà des chansons. Plus tard, il décide d'étudier la composition et la production. Il apprend à jouer tout un tas d'instrument, qu'il collectionne compulsivement. Au final, il en a tellement qu'il doit les entreposer dans un studio maison, gracieusement offert par Papa Jardinier. Dans cet endroit, rebaptisé le Shadow Shoppe, Jacco (prononcez "Yako") compose en solitaire des heures durant, ne sortant que pour aller au supermarché.
Il n'aurait pu rester qu'un petit mec un peu trop obsédé par les années soixante, dans son monde, en marge de la société. En tout cas, si quand il était ado il portait déjà la gavroche toute pourrie qu'il arborait au Fuzzbox à Utrecht en novembre, c'est clair qu'il devait se faire charier par ses camarades de classe. Mais voilà, en moins d'un an et une poignée de chansons psychés toutes mignonnes, il est devenu la nouvelle coqueluche des types qui se sont donné pour but dans la vie de trouver à Emmaüs la chemise au motif le plus improbable possible. Lors de son dernier passage à Bruxelles, la soirée affichait complet et s'est transformée en un meeting de hipsters et de leur version salariée, les bobos.
Si Cabinet of Curiosities s'inscrit parfaitement dans cette récente vague néo-psyché dont Tame Impala est la tête de pont, on ne peut s'empêcher de se demander si le néerlandais ne va pas trop loin dans la nostalgie. C'est bien mignon le clavecin, mais où est la nouveauté, la prise de risque ? Ben y en a pas vraiment. C'est là où ça pêche. Mais en même temps, la musique de 2013 est un peu à chier, non ? Autant écouter un Hollandais certes voleur, mais passionné et assez érudit pour ressusciter avec pas mal de talent une décennie fantasmée.