[Guest 9 : Marine / illustrations Anna Wanda]
Je pense que j’arriverai un samedi après midi, par une toute petite gare, après quelques longs changements et un voyage de plusieurs heures.
Un peu chargée, j’aurai pris mon chien, mon vélo, et quelques provisions pour les premiers jours. C’est le voisin qui viendra me chercher. Il faudra que j’arrive tôt, avant 18 heures, sinon il sera déjà en train de prendre l’apéro, et j’aurai peur qu’il prenne la voiture et qu’on meure tous les deux emplafonnés dans un pin.
La maison sera loin, à quelques kilomètres du village dont elle dépend pourtant, isolée sur une dune. Je l'imagine petite, discrète, en pierre claire. Ça sera plus une cabane qu’une maison, en fait.
Quelques vieilles planches en bois lavé par la mer, devant, serviront de clôture, mais ne seront pas assez stables pour faire peur à qui que ce soit.
Le petit cabanon n’aura que deux pièces, ainsi qu'une salle de bain. La cuisine, ouverte sur le salon, possédera un plan de travail, en bois très clair, poncé par le temps et les anciens propriétaires. La fenêtre, devant l’évier, donnera sur l’océan. Il y aura aussi une cafetière à filtre, et un vieux frigo dont le ronronnement, si rassurant la journée, deviendra horripilant quand viendra l’heure de se coucher.
Dans l’espace qui servira de salon, sera installé un canapé clic clac, d’un beige plus très frais, et une table de salon en bambou.
Dessus seront empilé tous les livres que j’aurai ramené, mais que je n’aurai évidemment pas le courage de lire. Et planqué sous la pile se trouvera peut-être un exemplaire d'un ouvrage du type "50 Shades of Grey".
Dans l’autre pièce, la chambre, sera accroché des rideaux en lin lourd et un peu grossier, et un lit très confortable, qu’on aura réalisé grâce à l’empilation de vieux matelas. Ça sera agréable de tomber de sommeil et de se lover dans ses épaisseurs, mais le lever sera extrêmement difficile, semblable à un énorme trou noir qui essaie de te re-avaler constamment.
La routine sera cyclique, bienveillante. Les jours se calqueront sur les autres et installeront cette petite sécurité qui ne réconforte que pendant les vacances.
Chaque soir, avant de me coucher avec un bon livre, j’omettrai volontairement de fermer les volets : j’attendrai de me faire réveiller par les premiers rayons du soleil. Je me dirigerai ensuite vers la salle de bain, où la pomme de douche me cracherai une eau un peu salée, et mes pieds essaieront de garder une certaine stabilité sur le sable que j’aurai oublié de rincer la veille. Je ferai ensuite chauffer de l’eau pour mon café, en ouvrant la porte d’entrée, pour laisser rentrer l'air frais, et que le chien puisse vagabonder. J’en profiterai pour empacter un parasol bancal, une petite glacière, et, après un arabica au gout de pipi, j’irai avec Ninou (c’est le nom de mon chien) vers la plage.
Derrière mes lunettes de soleil, je passerai la matinée à
-regarder les surfers beaux et niais du camp d’à côté essayer de prendre correctement les vagues
-dresser le chien pour qu’il aille aboyer contre les djembés et les reprises ratées d’”Hotel California”
-terminer les mots croisés du magazine people qui prend la poussière depuis l’année dernière.
A midi trente, quand mon estomac commencera à faire du bruit, je retournerai manger dans mon petit sanctuaire, et, après une sieste sur le canapé, je me mettrai au travail. J’aurai fait installer une connexion internet, parce que, arrêtons de se mentir, même dans le futur, j’aurai du mal à ne pas culpabiliser de glander.
En faisant la correction d’un de mes articles, ou penchée sur mon grand projet que je ne terminerai jamais et dont tout le monde se fout, je fumerai quelques cigarettes (des Vogues mentholées, j’aime bien ça maintenant), et puis je me servirai des grands verres de Perrier dans le silence le plus total.
L’après-midi ne serait rythmé que par le bruit des vagues.
Et le ronron du frigidaire.
Vers 17 heures, j’irai ensuite à vélo au centre-ville, faire quelques courses pour dîner. Je ramènerai quelques cartes postales à écrire aux gens que j’aime que j’oublierai d’envoyer, et, si je n’ai pas croisé le voisin qui m’invitera pour l’apéro, après avoir tout posé sur la table en formica, dehors, je rapprocherai une vieille chaise en plastique qui prend l’eau, cachée dans un coin.
Je me servirai un verre de rosé, et quelques olives dans un bol. Le soleil sera en train de disparaître dans l’Océan Atlantique, et c’est pile à ce moment,
Quand il fera encore chaud, et que ça sera beau comme les paysages ringards réalisés à la craie sur les trottoirs de n’importe quelle ville touristique,
C’est à ce moment que je t’appellerai
En disant que tu me manques
Et que j’ai hâte d’être à demain, pour venir te chercher à la gare.
***
Je m’appelle Marine, j’ai 26 ans, un chien qui pète, un groupe qui s’appelle Mercredi Equitation, un webzine qui s’appelle RETARD avec des copines (notamment Anna Wanda, qui fait ici l’illustration et mon portrait) et un vrai boulot. J’ai aussi une nouvelle coupe de cheveux et un tatouage, mais tu t’en fous surement un peu parce qu’on ne se connait pas encore beaucoup. J’espère que t’as aimé mon texte, en tout cas. Bisou à toi et aux meufs de TeaZine, et passe un bon été.