L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

4.9.14

[GUEST 12] Un été au poil

[GUEST 12 : Christophe (Bon pour les oreilles)]

Je vous préviens d’entrée, le titre de cet article n’a rien à voir avec la météo exécrable qui a marqué cet été. Si c’est ce genre de chose qui vous intéresse, allez plutôt réécouter "Quel été 2000" de Mathieu Boogaerts, jolie chanson inspirée par un autre été pourri (parce que oui, 2014 n’était pas le premier été pourri qu’a connu l’humanité).

Cet avertissement passé, passons à la confession : le titre de cet article est tout de même un jeu de mots facile. Un jeu de mots autour de la pilosité des trois artistes qui ont marqué mon été. Mais bon, faute avouée à moitié pardonnée, non ? Donc passons à la suite, façon carnet de route.

Neuchâtel - 4/7/14

Depuis presque dix ans que je fais ce métier, je n’ai mis les pieds qu’une fois au NIFFF. Mais j’ai signé plusieurs papiers liés aux thématiques explorées par le festival, du zombie politique à l’uchronie helvétique. Autant dire que je suis ravi d’y aller, pour une fois, après l’ouverture des portes. Et qui plus est pour y rencontrer un artiste invité.

George RR Martin a des airs de Père Noël en civil. La barbe fournie, les lunettes épaisses, les bretelles d’un autre temps. Pas aussi vieux que celui très médiéval de Game Of Thrones, mais pas loin. Contrairement à de nombreuses stars, le bonhomme s’avère généreux en interview, dans le propos comme la durée (une grosse vingtaine de minutes, ce qui n’est pas rien, quand on sait que Pharrell Williams fait dans les cinq minutes).

Preuve que l’auteur n’oublie pas ses premiers fans, ni d’où il vient. Malgré le succès mondial, il consacre toujours deux mois de l’année à voyager pour rencontrer ses lecteurs, entre festivals et conventions. Seule différence : son agenda est désormais booké pour les cinq années à venir. Précis, attentif, réfléchi, Martin se livre un peu, des histoires qu’il rédigeait enfant pour les gamins du quartier aux premières lignes de son épopée de tous les records. Et soudain, il s’interrompt, tandis que résonne sur le lac, au loin, la sonnerie d’un bateau. Un coup. Deux coups. Trois coups. Et de lâcher, mi-rigolard, mi-prophétique, un profond "Winter is coming".

Nyon - 23/7/14

C’est mercredi, fin de matinée à Paléo et il fait presque beau. Ce qui tombe bien, puisque c’est ce jour-là qu’on tourne et que sous la pluie, ça le fait moyen. La grande scène dans le dos, on marche avec mon réalisateur et un caméraman, histoire de repérer au mieux les lieux du tournage. Et là, on tombe sur Seasick Steve, sa salopette usée et sa longue barbe blanche, pendu à son téléphone (un Smartphone, parce que bon, il vit avec son temps quand même).

Comme mon réalisateur est plus téméraire que moi, il adresse la parole à Seasick Steve, se présente et le complimente pour sa prestation chez Jools Holland. S’en suit une courte discussion – la pluie et le beau temps, of course – le tout avec le sourire et puis chacun repart de son côté, à son boulot.

Quelques heures plus tard, je propose à mon réalisateur (il s’appelle Peter, donc là, je vais l’appeler Peter) d’interrompre le montage sur lequel on travaille pour aller voir le concert de Seasick Steve. On se met donc en route, on s’achète deux bières et direction la grande scène. Peter est au téléphone et moi j’y crois moyen. Seasick Steve sur la grande scène, c’est un peu tiré par les cheveux. On retrouve des amis, on trinque et puis ça démarre. Et là, le miracle.

Sans en rajouter, seul avec son batteur, le papy américain donne une véritable leçon scénique, de celles que feraient bien d’apprendre les Black Keys, par exemple. Entre ZZ Top et Johnny Cash, les morceaux se suivent, sans concession, porté par un son puissant comme rarement (chez Seasick Steve, il semble que moins la guitare a de cordes, plus elle sonne fort). Et pour conquérir les cœurs, le bonhomme se raconte entre deux chansons. Enfin, raconte ses guitares, surtout, modèles uniques à chaque fois, entre recyclage et bricolage.

Zurich 8/8/14

De six-cordes, Dylan Carlson n’en a qu’une. Et arbore une moustache façon guidon de moto plutôt qu’une barbe de hobo. A Bogen F, un vendredi soir un peu gris, il présente les nouveaux morceaux de son groupe Earth, à quelques semaines de la sortie d’un album sur lequel la voix de Mark Lanegan s’invitera.

Mais en attendant, on en reste à de l’instrumental. Ce blues lourd et noueux, plein d’une force massive et d’un magnétisme rampant. Arc-bouté à sa guitare, Carlson répète les mêmes riffs à l’infini, tels des mantras tirés de la boue électrique. A l’autre bout de la scène, Adrienne Davies martèle sa batterie comme dans une transe à la lenteur shamanique. A eux deux, ils réinventent inlassablement le même univers, entre Western décharné et marais brûlant. Et quand entre deux morceaux, Dylan Carlson ose quelques mots – humble et sarcastique à la fois – sa voix aiguë – qui tranche tant avec les graves de sa guitare – trahit un parcours cabossé, chaotique, où l’Américain a puisé l’essence de ce blues contemporain.

Quand je sors de la fournaise de Bogen F, après plus d’une heure trente de concert, il pleut un peu. Et ça fait presque du bien.

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Christophe Schenk à 34 ans et travaille comme journaliste TV à la RTS.

Avant ça, il a été, dans le désordre, vendeur de CD, écrivain, enfant ou encore chroniqueur rock.

Il a longtemps bu du thé en sachet – beurk – mais opte de plus en plus pour du thé en vrac, avec une préférence pour le thé vert (à la menthe ou au riz soufflé).