Me dire que je vais interviewer Foals, c'est me dire que je vais rencontrer les auteurs de mon album préféré de 2008 et d'un des meilleurs disques de cette année. Alors évidemment, on attend ça avec un mélange d'excitation et de peur. Jusqu'à ce qu'on se retrouve, à l'instant T, dans une loge bordelaise en face de deux Anglais d'emblée sympathiques : Yannis Philippakis, le chanteur, fumant tranquillement sa cigarette, et Edwin Congreave, le claviériste, pieds nus. Je leur dit que c'est dommage, on n'a pas beaucoup de temps pour l'interview (on m'a dit quinze minutes), mais ils me disent que je suis la dernière, et que je peux rester une heure, deux heures, trois heures si je veux. Tant mieux, on a pas mal de choses à leur demander. L'interview commence, je ne sais plus pourquoi, sur les Eurockéennes.
FOALS
INTERVIEW
Yannis : J'adore les Eurockéennes, C'est joli. On s'est baignés là-bas.
TEA : Vraiment ? Dans l'étang ?
Yannis : Ouais. Il était minuit, c'était cool.
TEA : Vous n'avez pas eu froid ?
Yannis : Non, c'était chaud. Vraiment sympa.
TEA : Vous avez eu beaucoup d'interviews aujourd'hui, ce n'est pas trop agaçant ?
Edwin : Non, on a l'habitude.
TEA : Ce n'est pas toujours les mêmes questions qu'on vous pose ?
Yannis : Je ne sais pas, voyons ça.
Edwin : Si tu poses une question qui a déjà été dite, c'est fini. (rires)
TEA : Vous êtes de plus en plus connus, comment vivez-vous cela ?
Yannis, haussant les épaules : Bien.
TEA : Vous ne préféreriez pas rester plus confidentiels ?
Yannis : Non non.
Edwin : Je pense que c'est plutôt bien.
Yannis : On a jamais voulu être une sorte de groupe hipster, tu vois. C'est quelque chose que je n'aime pas parce que ça sonne élitiste. J'aime la pop music, Madonna, Cindy Lauper. J'aime le pouvoir de l'idée que tu puisses avoir une musique qui plaise à tout le monde.
Edwin : Je ne pense pas que nous devenons énormes. Comparé à ces groupes que nous connaissons ou dont nous avons lu des choses à leur propos, nous faisons de petits concerts.
Yannis : Ouais, on n'est pas comme les Kings Of Leon.
Edwin : C'est plus raisonnable, on fait encore des spectacles plutôt petits.
TEA : Mais presque toutes vos dates sont sold out.
Edwin : Ouais, c'est une bonne chose.
TEA : Pensez-vous qu'un groupe doive nécessairement, comme vous, évoluer pour chacun de ses albums ?
Yannis : Je pense que les groupes qui nous intéressent généralement ont une sorte de progression pour leurs albums. Il y a des groupes qui ont fait des disques individuels qui sont vraiment super, mais je pense que pour être intéressé par un groupe pendant pas mal d'années, c'est que tu es attiré par les groupes qui changent. Après, on n'a pas d'avis pour les groupes, mais pour nous, c'est ce qui est le plus excitant. Nous aimons prendre des risques et nous aimons, enfin, au moins moi, le processus de création du disque, et l'atmosphère entourant l'écriture, et quelle va être l'inspiration. Je ne le ferais pas si nous allions juste faire la même chose, parce que c'est juste sans intérêt.
TEA : Un modèle d'évolution pour vous ?
Edwin : Bonne question.
(silence)
Yannis : Liars, parce qu'ils évoluent. Et aussi la façon dont les artistes pop se réinventent est assez fascinante parfois. Comme les différentes approches pour chaque disque. Comme Kanye West.
Edwin : Il y a genre vingt collaborations sur l'album.
Yannis : C'est cette liberté artistique, je pense que beaucoup d'artistes R&B et pop l'ont. Certains pensent que si tu ne restes pas ancré à ton idée originelle, tu dilues en quelque sorte un truc. En fait, je pense que c'est une idée fausse qu'on devrait faire disparaître maintenant.
TEA : Que pensez-vous de vos anciens morceaux ?
Yannis : Nous les aimons. Nous aimons celles que nous jouons. Mais certaines ont fini par devenir ennuyantes à jouer. "Hummer" est devenue ennuyante alors on a arrêté de la jouer. Mais maintenant on recommence à la faire.
Edwin : C'est pas seulement que c'est ennuyant, mais c'est aussi qu'on ne peut tout simplement pas jouer toutes nos chansons, donc nous jouons celles que nous aimons.
TEA : Edwin, tu as écrit sur le blog de Foals...
Edwin : Oh oh !
TEA : …qu'être en tournée n'étais pas excitant, et que ça ne le serait jamais. Alors comment avez-vous fait ces derniers mois ?
(rires)
Edwin : C'est bon hein, tout va bien. C'est juste que je pense souvent qu'il n'y a rien de spécial à dire et c'est frustrant quand un groupe se sent obligé d'écrire ou de faire des vidéos sur leur tournée. Je n'ai jamais été intéressé par la tournée de mes groupes préférés. Je m'en fous de ce qu'ils disent à propos de la tournée, à moins qu'ils soient vraiment vraiment fous. Je m'en moque. Parfois les gens pensent qu'un groupe doit créer un contact, écrire un blog, dire ce qui se passe. Et je ne pense pas que nous soyons vraiment obligés de faire ça. Voilà pourquoi j'avais écrit ça. Et l'autre chose qui est vraie aussi c'est qu'on passe des heures et des heures...
Yannis : A ne rien faire.
Edwin : C'est beaucoup moins intéressant que ça en a l'air.
TEA : Vous n'aimez pas être en tournée ?
Les deux, très fort : Non non non !
Yannis : Nous aimons ça. C'est juste qu'il n'y a rien d'amusant à dire à propos. On se lève à la salle, et après on ne la quitte pas, on mange juste et on joue et ensuite on sort la nuit.
TEA : Vous ne visitez jamais les villes ?
Yannis : Je suis très paresseux.
Edwin : Walter et Jimmy le font. Walter fait le tour des cathédrales.
Yannis : Nous aimons tourner mais nous sommes en tournée tout le temps, donc c'est notre vie. Nous existons vraiment pour jouer le concert et faire deux ou trois autres trucs. Tourner c'est comme les aléas de la vie, tu vois. C'est comme une étrange constance. C 'est comme dire «Est-ce-que tu aimes te lever le matin ?»
TEA : Et après tous ces mois ensemble sur la route, vous ne voulez pas tuer les autres membres du groupe ?
Edwin : Non... On s'entend plutôt bien.
Yannis : Mieux que ça ne l'a été.
TEA : Au début c'était difficile ?
Yannis : Mmh, c'était seulement que nous étions plus jeunes je pense. Tout était une nouvelle expérience.
TEA : Quelle est la meilleure chose qui vous soit arrivée pendant cette tournée ?
Yannis : J'aime les fêtes où on se baigne tard la nuit. Pour le festival de Benicassim nous sommes restés dans la piscine jusqu'à sept heures du matin.
Edwin : La meilleure chose pour moi c'était d'être au Mexique, dans un taxi, sans aucun argent ni aucune idée d'où j'allais. Vraiment. Et je ne pouvais pas parler espagnol ou n'importe quoi d'autre. Et j'étais là genre « Hell Yeah! »
TEA : Et la pire chose ?
(long silence)
Edwin : Je sais pas... (silence encore)... On ne peut pas dire que quelque chose de très mauvais nous soit arrivé.
(silence encore plus long)
Yannis : Mmmh, je ne sais pas. C'était bien (sourire).
Edwin : Il y a juste des petits trucs comme...
Yannis : Les glaçons. Il n'y a pas de glaçons pour les boissons, pour les concerts. Il n'y a jamais de glaçons. Jamais de putains de glaçons. C'est la pire chose. De la Red Bull chaude. Voilà la pire des choses qui nous soit arrivée.
TEA : Vous avez enregistré en Suède, pensez-vous que l'environnement ait eu une influence sur votre album Total Life Forever ?
Yannis : On vivait dans le studio. C'était un peu la merde, c'était très intense aussi. On se concentrait sur cet album, pas sur sortir.
TEA : Ce n'était pas une bonne expérience ?
Yannis : Euh... C'était une bonne expérience. Je veux dire, ce n'étaient pas les vacances, c'était une bonne expérience créativement parlant, ce n'était pas censé être amusant.
TEA : Vous pensez déjà au troisième album ?
Yannis : Ouais, on y pense. Je pense à ce que je vais bien pouvoir écrire, bordel. On aimerait le faire plus rapidement et en s'amusant plus, et qu'il soit encore plus instinctif, plus intuitif.
TEA : Ça ne vous fait pas peur de retourner en studio après les problèmes que vous avez eu avec le dernier ?
Yannis : J'aime être en studio.
Edwin : Heureusement, nous avons appris beaucoup sur comment être en studio. Je sais que je ne voudrais pas y partir dix semaines. J'aimerais être dans un studio où je pourrais sortir un peu marcher, et je pense que ce serait mieux. Je pense que maintenant nous savons tous ce que nous voulons pour que le studio se passe mieux.
TEA : Quelle est la meilleure chose dans le fait d'être dans Foals ?
Yannis : Être dans Foals. (rires) Sortir avec de grands gars musclés, comme Jack, et Edwin. L'odeur dans le bus.
Edwin : Le mieux, je ne sais pas, je pense que nous sommes fiers de la musique que nous faisons. Ça me donne un peu d'estime de moi, ce dont je n'ai pas beaucoup.
Yannis : C'est faire ce qu'on veut quand on veut.
Edwin : Certaines personnes voient ça comme un manque de responsabilités.
Yannis : C'est comme Peter Pan.
TEA : Quel est votre clip préféré ?
Edwin : Pour moi, probablement.... Oh je ne sais pas ! Je pense qu'"Olympic Airways" est un des meilleurs. Il est positif. Mais je pense que je préfère "Red Sock Pugie", parce qu'il est amusant à regarder.
Yannis, en souriant: J'aime "Miami".
TEA : Qui a eu l'idée du scénario ?
Yannis : Dave Ma.
TEA : C'est assez fou, à la fin on se dit mais What The Fuck?
Yannis, toujours souriant : C'est cool, j'aime ça. Ouais, c'est carrément malade. Quand je le regarde, je ne peux pas m'empêcher de penser à lui essayant de commander ces énormes personnes musclées pour qu'elles fassent ce qu'il voulait. Parce qu'il est plutôt mince. C'est drôle.
TEA : Et maintenant, quand les gens écoutent "Miami", ils pensent aux muscles.
Yannis : J'espère pas ! (rires) Et la chanson ne parle pas vraiment de ça.
TEA : Si vous étiez une femme célèbre, qui seriez vous ?
Yannis : Hum... Julianne Moore. Parce qu'elle est belle et ça veut dire que je pourrais me voir dans le miroir. Et me toucher. (rires)
Edwin : Je serais Lady Gaga. Parce qu'elle est très riche. Non et puis elle est incroyable, et je pense qu'elle sait qu'elle est incroyable aussi.
TEA : On s'appelle TEA, vous aimez le thé ?
Edwin : Je bois du thé à la camomille. Mais je carbure plutôt au café.
Yannis : Ouais, je n'aime pas le thé normal. Je ne bois que des thés pour ma gorge.
TEA : Pour finir, vous avez une blague ?
Yannis dit une phrase que je n'ai toujours pas comprise.
Edwin : Qu'est ce que c'est ?
Yannis : C'est une blague.
Edwin : Oh. Pardon. Je connais une seule blague et elle est affreuse, vraiment vulgaire...
Yannis : Je la connais ?
Edwin : Oui tu sais, c'est celle de...
Yannis : Oh non ! Ne la dis pas ! « Why did the scarecrow win the Nobel Prize? Because he was outstanding in its field ». (Un "scarecrow" est un épouvantail, NDLR)
Edwin, riant : Ça c'est une bonne blague.
Yannis : C'est quoi ta blague ?
TEA : Je préviens, elle est horrible. Qu'est ce qui est jaune et qui dort tout seul ?
Yannis : Une banane !
TEA : Yoko Ono.
(Rires, Edwin semble ne plus s'arrêter)
Yannis : Wow, c'est une bonne blague.
Edwin: Elle vaut vraiment le coup.
Yannis : C'est drôle, j'aime ça.