[GUEST 2 : Célia (Tally-Ho)]
D'une manière générale, quand on parle de punk la conversation ne s'oriente pas vers la question féministe. Disons que c'est le genre de transition qui déconcerte autant que "en parlant de Satan [...]". C'est pas bien choquant et pourtant, ce serait là de la salive utilisée à bon escient. Car comme le mouvement dada/surréaliste l'avait fait, le punk et son éthique auto-déterministe se sont montrés très disposés à ignorer les différences de genre (traditionnels du moins) : les filles étaient donc les bienvenues. Mieux, comme tous les futur(e)s protagonistes punk, elles étaient encouragées à faire comme les mecs et à choper n'importe quel instrument et se mettre à jouer. On ne recherche pas la virtuosité mais un moyen de s'exprimer et de devenir acteur au sein d'une contre-culture. Pour ce faire, il suffit de connaitre 3 accords comme le scande le fanzine Sideburns en 1976. Que tu décides de monter un groupe ou de créer un fanzine, l'essentiel est de t'investir dans toutes les étapes de création et de distribution, enfant du DIY.
Sideburns , décembre 1976 |
Certes, cette incorporation des filles par le punk constitue un bouleversement capital et il ne pouvait véritablement avoir lieu qu'au sein d'un mouvement aussi aveugle aux différences, autrefois handicapantes. Comme être black (coucou les Bad Brains) ou être l'heureuse propriétaire d'un vagin. (Malaise).
Évidemment, à l'instar de toute révolution un peu sérieuse, il y a un motif de frustration sous-jacent. Non, les filles ne sont pas entrées dans le cénacle punk parce qu'elles ont vu de la lumière. De New York à Londres, les filles en ont ras-le-cul d'être cantonnées aux backstages et commencent à occuper les scènes pour proposer autre chose que de la pop dégoulinante. Et comme on ne colonise pas un territoire (un tantinet) hostile sans assoir sa légitimé auparavant, ces femmes se voient obligées de s'endurcir, aussi bien mentalement que physiquement. D'où les looks androgynes ou militarisés arborés par les pionnières telles que Patti Smith, Suzi Quatro et ses Pleasure Seekers, la bande à Joan Jett et Sandy West, Poly Styrene ou encore Siouxsie Sioux qui utilise le maquillage comme carapace.
Évidemment, à l'instar de toute révolution un peu sérieuse, il y a un motif de frustration sous-jacent. Non, les filles ne sont pas entrées dans le cénacle punk parce qu'elles ont vu de la lumière. De New York à Londres, les filles en ont ras-le-cul d'être cantonnées aux backstages et commencent à occuper les scènes pour proposer autre chose que de la pop dégoulinante. Et comme on ne colonise pas un territoire (un tantinet) hostile sans assoir sa légitimé auparavant, ces femmes se voient obligées de s'endurcir, aussi bien mentalement que physiquement. D'où les looks androgynes ou militarisés arborés par les pionnières telles que Patti Smith, Suzi Quatro et ses Pleasure Seekers, la bande à Joan Jett et Sandy West, Poly Styrene ou encore Siouxsie Sioux qui utilise le maquillage comme carapace.
Poly Styrene - Photo: Ian Dickson/Rex |
La voie étant pavée, la machine punk au féminin s'emballe et une myriade de formations éclosent. Parmi lesquelles, les très bons et très fugaces X-Ray Spex emmenés par Poly Styrene, les avant-gardistes de Slits, Poison Girls qui comme son nom ne l'indique pas n'est pas entièrement composé de filles mais fondé par Vi Subversa, mère au foyer reconvertie dans le songwriting anarchiste, LiLiPUT ou Wendy O William (Plasmatics) et son amour du latex, Penetration ou dans une moindre mesure The Germs, leur bassiste Lorna Doom et une triclée de meufs de passage.
Cependant, cette belle mécanique s'enraye dès qu'il s'agit de concrétiser l'équité entre femmes et hommes. Comme le confie Siouxsie dans Typical Girls (documentaire sur les filles du punk), elle a pas mal galéré à se faire signer, comme la plupart des artistes aux chromosomes redondants. Malgré le soutien théorétique du DIY, les filles du punk ne sont pas sur le même pied d'égalité que les groupes de mecs. Et dès les années 80, le punk continue de se proclamer imperméable aux sirènes de la société capitaliste mais les fuites machistes se font béantes. Finalement, le mouvement se ferme de plus en plus aux filles à coup d'insultes sexistes sur scène et dans les fanzines (Punk Planet) pour atteindre des sommets de misogynie à l'époque des riot grrrl.
Qui dit exclusion dit rébellion. (Ouh, ça rime !) C'est ainsi qu'à l'aube des 90s, une poignée de filles entame la reconquête de l'eldorado punk. Ces filles sévissent (au départ) depuis New York, ce sont les Riot Grrrl et leur manifeste est signé par Erika Reinstein. En voici quelques extraits.
BECAUSE us girls crave records and books and fanzines that speak to US that WE feel included in and can
understand in our own ways.
BECAUSE we wanna make it easier for girls to see/hear each other's work so that we can share strategies and criticize-applaud each other.
BECAUSE we recognize fantasies of Instant Macho Gun Revolution as impractical lies meant to keep us simply dreaming instead of becoming our dreams AND THUS seek to create revolution in our own lives every single day by envisioning and creating alternatives t o the bullshit christian capitalist way of doing things.
BECAUSE we are angry at a society that tells us Girl = Dumb, Girl = Bad, Girl = Weak.
BECAUSE we are unwilling to let our real and valid anger be diffused and/or turned against us via the internalization of sexism as witnessed in girl/girl jealousism and self defeating girltype behaviors.
BECAUSE I believe with my wholeheartmindbody that girls constitute a revolutionary soul force that can, and will change the world for real.
Mais Riot Grrrl n'est pas "seulement" un mouvement artistique. Ces femmes prennent l'initiative de se retrouver entre elles et de discuter des toutes les merdes qui leur arrivent quotidiennement, ce qui mène à une dénonciation du harcèlement de rue, de l'inceste, du date rape et autres facéties de connards. Logiquement, les groupes formés dans ce contexte de suffocation patriarcale véhiculent un message féministe et entreprennent de redonner au DIY sa dimension non-discriminatoire. Tout commence avec Kathleen Hanna de Bikini Kill, Allison Wolfe et Molly Neuman de Bratmobile, Babes in Toyland et ça continue avec Slant 6, Lunachicks, etc. Le tout inondé de fanzines militants et de soirées mêlant concerts, expositions, slams et discussions. Très vite, elles attirent l'attention des majors mais refusant catégoriquement d'être incorporées au système, elles créent leur propre réseau de labels et de distro. Comme des punks, quoi. Ensuite, les médias s'intéressent à cette association de filles subversives. Ne comprenant ni leurs mobiles ni leurs actions, ils préfèrent ne pas insister mais ne se gênent pas pour galvauder le "girl power" originaire et ruiner en partie la crédibilité des émeutières. Partant, ces dernières sont vouées à se faire plus discrètes et sont à l'heure actuelle si underground que même Splinter rame pour les inviter à la prochaine pizza party.
Dessin de Ceci Moss
Tracklist :
→ Bratmobile - Bitch Theme ←
→ X-Ray Spex - Oh Bondage! Up Yours ←
→ The Slits - A Boring Life ←
→ Slant 6 - What kinds of monster are you ? ←
→ Heavens to Betsy - Terrorist ←
→ L7 - Fast and Frightening ←
→ Babes in Toyland - Bruise Violet ←
→ The Germs - Forming ←
Suggestions documentaires :
→ Typical Girls ←
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Blogueuse sectaire & bookeuse anecdotique, Célia prétend répandre la Bonne Parole parmi un lectorat à la tangibilité mythologique.
Sinon, elle aime la mort, les dinosaures (parce que c'est mort) et faire usage d'au moins trois variantes de "qu'est-ce j'm'en branle" par jour, histoire d'entretenir le halo de crasse complaisance qui scintille autour de sa bête tête.
Sinon, elle aime la mort, les dinosaures (parce que c'est mort) et faire usage d'au moins trois variantes de "qu'est-ce j'm'en branle" par jour, histoire d'entretenir le halo de crasse complaisance qui scintille autour de sa bête tête.