L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

24.6.14

Falafel deluxe

La Kilbi et moi, on a une relation basée sur l'amour et l'émerveillement. Ca fait plusieurs années qu'on se rencarde et elle est toujours aussi intéressante. Ah ça, elle a du goût, la Kilbi. Comme un falafel "deluxe", avec tous les légumes qui suintent et la sauce blanche qui macule le menton. Je lui ai déjà chanté la sérénade en long, en large et en travers, à un moment on était même assez à l’aise pour se poser des questions pas simples, genre "qu’est-ce qui fait un bon concert ?". Et pour le coup, ça tombait bien, parce que c’est un peu sa spécialité, les bons concerts. La preuve avec cette nouvelle édition du festival, qui nous a fait découvrir des groupes dont j’aurais envie de graver le nom en lettres capitales, dorées et constellées de paillettes dans l’écorce des arbres et sur les cadenas du Pont des Arts. Jusqu’à ce qu’on s’écroule tous.
image: bad bonn
BAD BONN KILBI 2014
29.-31.05.2014
Düdingen

/ GOAT / MERIDIAN BROTHERS / BOMBINO / ACID ARAB /
Ces groupes là sont de bons mélanges de genres. Si on avait passé la quarantaine on dirait "du métissage", mais ça fait un peu babs et macramé alors on préfère parler de bouillabaisse globalisée. En gros, une partie des meilleurs concerts de la Kilbi 2014 étaient basés sur des mix de cultures. Non pas qu’on cherche ici à prendre des airs condescendants en applaudissant la présence d’un djembé dans un groupe de rock-psyché. Au contraire, on parle plutôt d’un melting pot comme il y en a toujours eu dans l’histoire de la pop music. Une réappropriation de codes fortement connotés, comme par exemple de la rumba, remixés avec des trucs qui n’ont à priori rien à voir, genre un synthé aux sonorités intergalactiques. Et à la fin ça donne MERIDIAN BROTHERS, un groupe colombien génial, dont la facétieuse reprise de "Purple Haze" suffit à me mettre la larme à l’œil. Il faut les voir ces bougres, insérer des effets rigolos dans des classiques de salsa pour un résultat digne d’AtomTM reprenant Kraftwerk avec son orchestre chilien fictif Senor Coconut :
En plus ils portent bien la chemise en satin.


De même, BOMBINO, un nigérien un brin plus rockeux que Tinariwen mais tout aussi enturbanné, mâtine de la musique traditionnelle de touaregs de blues digne de vieux briscards, jusqu’à faire danser l’ancienne punk la plus pétrie de mauvaise foi qui soit. Tout comme le duo de frouzes ACID ARAB, qui mixent des airs de dabké syriens avec de la techno. Comme pour confirmer que les inspirations "world music" (terme réducteur s'il en est) sont les plus à mêmes de faire danser, l'un des concerts les plus attendus ET les plus exaltants de cette édition était GOAT. Auteurs de l'album qui a rythmé tout l'été dernier (World Music, justement), les suédois n'ont pas failli à leur réputation de bêtes de scène et nous ont rendus totalement chèvres (pardon).
Donc là on voit une des deux chanteuses de Goat dans son costume vaudou. Le groupe entier était accoutré de déguisements hétéroclites allant de l'alliage Burqua-converses au sac sur la tête faisant penser à un prisonnier d'Abou Ghraib... et avec ça, ça groovait d'enfer.

/ WOODEN SHIJPS / FORKS / BLACK LIPS / THE MONSTERS /
Cela dit parfois, ce n'est pas plus mal de se cantonner à un genre et d'en explorer les recoins. On peut appeler ça de la "rétromania" trop référencée ou du "purisme" jusqu'au boutiste voire les deux, mais peu importe si c'est bon. Typiquement, WOODEN SHIJPS n'ont pas inventé la poudre dans la catégorie rock psyché, ce qui ne les a pas empêchés d'ouvrir le festival en mettant tout le monde en transe alors même qu'il était quatre heures de l'après-midi. Dans la même veine, les veveysans FORKS ont complètement achevé ce qu'il nous restait de raison à la fin du week-end avec un mur de guitare et de basse hypnotiques noyant la voix (ça tombe bien, c'est ce qui rend le moins bien sur le disque). Comme quoi le complexe classique face aux groupes Suisses - qui, sous prétexte qu'ils ont fait moins de kilomètres pour venir à la Kilbi seraient moins capables - est complètement injustifié. 
Ci-dessus, le batteur de Forks (aussi programmateur du Nox Orae dans la vie), et un aperçu des visuels psychédéliques qui rajoutaient encore plus de brume dans nos cerveaux. Ben bravo.

Tout aussi Suisses et dérangés, les bernois THE MONSTERS donnent eux dans le garage blues crétin (ou "hard-core boogie" selon leurs dires). Menés par l'honorable Reverend Beat-Man qui n'en avait rien à carrer du fait que sa guitare était complètement désaccordée, ils ont fait péter une durite à la totalité de l'assemblée en moins de temps qu'il ne faut pour le dire ce qui s'est terminé en pogos plus violents que ceux du concert de Thee Oh Sees l'an passé, c'est dire comment c'était jouissif :
A côté de ça, les BLACK LIPS paraissaient presque mous du genoux, trop défoncés et arrogants en début de set. Mais c'est les Black Lips et on les aime pour ce qu'ils sont alors finalement leur concert était super aussi.
Au moins y en a qui s'emmerdent pas avec leur décor scénique. D'ailleurs les Monsters avaient eux aussi juste un drap, avec marqué "TRASH" dessus.

/ NISENNENMONDAI / SELVENHENTER / HUBESKYLA /
Dans un troisième registre, on rangera les groupes les plus expérimentaux du festival, à commencer par les incroyables japonaises NISENNENMONDAI qui ont fait un live ahurissant à base de martèlement de basse répétitif, se décalant lentement des séquences de batterie, se décalant elle même des plages de claviers bidouillés, donnant une espèce de techno-sérielle complètement ouf. Tout aussi inattendu, le groupe danois catégorisé "free jazz" SELVENHENTER a joué des trucs très noise avec rien de moins qu'un violon, un trombone et un saxophone. Finalement, les seuls à avoir la configuration qui laissait anticiper le résultat sonore sont les fribourgeois HUBESKYLA, augmentés d'un chanteur à la tête de David Hockney (ce doit être les lunettes). MEGA FORTS, l'équipe envoie du stoner martial, aux impulsions lourdes et ralenties comme un festivalier en fin de week-end :


/ R. STEVIE MOORE / POND / PHEDRE /
Enfin, les bons concerts ont aussi été ceux qui nous ont fait rire ou sentir légers comme l'amour. Le pouvoir euphorisant de la pop en somme. Genre POND, des Australiens proches parents de Tame Impala (ça s'entend) ou R STEVIE MOORE, le papi lo-fi au physique de père noël. Ou encore PHEDRE, des canadiens en tshirt fluo qui étaient surtout captivants pour la posture du type derrière le synthé au cul tout bombé dans son jean. 
Ca c'est le chanteur de Pond. Physiquement, on dirait un mélange entre Johnny Rotten jeune et Yo-Landi Visser, il est incroyable.

En somme, avec tous ces groupes super (et d'autres qu'on n'a pas mentionné, genre Mogwai, Neutral Milk Hotel, Dj Marcelle, Dj Fett, etc, etc), tous les ingrédients étaient réunis une fois de plus pour qu'entre Kilbi et moi, tout file doux. Les oreilles bien entretenues, on n'a plus qu'à contempler la large documentation d'images ensoleillées qu'en a tiré notre photographe attitré (ICI MEME) en attendant le prochain rendez-vous.

Nope.