Pour notre dossier sur les fans, on a demandé à des gens de nous raconter comment ils vivaient la chose.
Texte et photo : Jérôme
Ça fait longtemps que j'ai laissé au placard toute ma panoplie de badges, clous et autres épingles à nourrice. Adolescent, c'était pourtant un passage obligé pour quiconque est fan de métal. Je me souviens de mes premiers "Hard n' Heavy" et ses compilations que je chérissais, des clips de métal qui passaient sur "RockTV" (une chaîne italienne sur Canal Satellite), et de l'émission "Ultra-Métal" sur MCM. A cet âge, c'est toute une vague de choses jamais vues qui te tombe dessus : des masques de carnaval qu'on trouve super cools aux maquillages de coccinelle ou de zèbre trop excellents, en passant par les albums portant la mention "Parental Advisory" parce qu'il y a plein de gros mots géniaux et des symboles sympas, même si on ne comprend pas vraiment ce qu'ils signifient.
Dans ma vie, pas d'alcool ni cigarette. Le métal agit chez moi comme une sorte d'aspirateur à frustrations, un peu comme si le mec qui s'égosille dans mes écouteurs s'énervait à ma place. J'ai besoin de ça. En plus, les morceaux métal sont souvent déstructurés et complexes, on a l'impression qu'il se passe sans cesse quelque chose, c'est juste génial. Plus jeune, c'était également bien suffisant pour être "rebelle". Ainsi au collège, les parents d'un ami ont convoqué ma mère, car cet ami avait écrit sur sa trousse : "Satan is my best friend". Horreur, malheur : ses parents se sont empressés de placer une petite crèche de Jésus dans sa chambre (véridique), et de le mettre en garde sur ma "mauvaise influence".
Beaucoup de personnes s'imaginent que les membres de groupes sont des croque-morts sataniques, alors qu'ils peuvent être professeurs, facteurs, ou même membres du jury de The Voice. Il y a tout une sorte de mythologie autour de cet univers. Je me rappelle de toutes les rumeurs qui circulaient au collège sur Marilyn Manson, selon quoi il se serait enlevé des côtes pour pouvoir se sucer lui-même, ou encore qu'il écrasait des poussins sur scène. Pour moi, le groupe met un masque le temps de l'album, comme un comédien joue un rôle au théâtre. Lorsque la pièce est finie, chacun reprend sa vie normale. Idem pour l'auditeur qui s'évade via cette musique. Je me suis toujours dit qu'il y avait un décalage entre les paroles de ces groupes et leur quotidien, mis à part quelques rares exceptions comme des chanteurs aux idées tellement nauséabondes qu'ils produisent des disques seuls - lorsqu'ils ne sont pas en prison. Je me suis toujours dit que de gros labels ne signeraient jamais des groupes réellement instables. J'avais tort.