INTERVIEW JESSIE EVANS
Pour être honnête, je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre en interviewant Jessie Evans. Elle ne faisait pas vraiment le genre de musique qu'on a l'habitude d'écouter, elle avait l'air complètement cinglée, et en plus avait des manières de diva en insistant pour qu'on ne la filme pas en interview. Je l'attendais donc depuis vingt minutes dans les loges du Chabada, un peu inquiète. Mais une fois qu'on a commencé à parler, c'est vite passé. Jessie Evans est, en plus de passionnante, vraiment adorable.
TEA : Comment se passe cette tournée au festival Les Femmes S'en Mêlent ?
Jessie Evans : Ça a vraiment été super. C'est ma meilleure tournée depuis longtemps. On a joué sept dates je pense. C'est la septième ce soir. Et c'est très très drôle. J'aime les personnes qui vont à ce festival. Les groupes ont été super cools. C'est vraiment sympa de jouer avec MEN. J'ai rencontré JD il y a environ dix ans. Elle avait programmé un concert pour mon vieux groupe, Subtonix, un girl band. Donc c'est vraiment marrant de jouer avec MEN, et Tender Forever est très gentille, et j'ai joué avec un groupe appelé Rock & Junior, ils étaient formidables.
Te considères-tu comme une féministe ?
Oui, bien sûr. Parce que je suis une femme et que je fais de la musique et que j'ai grandi dans une société occidentale où les femmes tendaient à avoir de plus en plus de pouvoir et de droits, ce qui n'est pas le cas partout dans le monde, tu vois. Je ne sais pas, je suis passionnée par les femmes, je suis passionnée par les gens.
Pourquoi as-tu déménagé à Berlin ?
Heu... J'avais des amis là-bas, comme Hanin Elias, la chanteuse d'Atari Teenage Riot, et elle me disait "Allez, viens à Berlin". Donc j'ai déménagé à Berlin il y a cinq ans. On est devenus amies avec cette fille de Malaria!, Bettina Köster, et tous ces gens de la scène heavy ou cold wave, qu'on adorait vraiment à l'époque. Voilà où je vis. C'est bien de vivre là-bas, et puis c'est vraiment pas cher. C'est au centre de l'Europe, et comme je tourne beaucoup en Europe, c'est parfait.
C'est cool de faire de la musique là-bas ?
Je n'aime pas tellement la scène musicale berlinoise, non. Il y a des choses qui s'y font et qui sont vraiment intéressantes. Namosh est vraiment talentueux. Un chanteur, performeur, il fait de la musique électronique, c'est un très bon danseur. Khan aussi fait de la musique électronique, il est très intéressant. C'est intéressant mais c'est vraiment une scène très électro. Je suis plus branchée rock'n'roll. (rires)
Et pourquoi as-tu quitté la Californie ? Tu ne l'aimais pas ?
J'aimais la Californie, je voulais juste bouger et changer. Mais je n'aime pas non plus la situation politique en Amérique, qui est paralysée depuis longtemps. Ça a commencé avec Bush et maintenant Obama. Et je ne veux pas être là-bas, je n'aime pas ce qu'ils font, je n'aime pas les guerres dans lesquelles ils sont engagés. Et c'est très dur d'être un musicien underground là-bas, c'est très dur de gagner de l'argent. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai déménagé à Berlin. Je tourne en Europe et je peux gagner de l'argent en tant que musicienne. Et en Amérique, c'est très dur, il faut être célèbre. Il y a un énorme écart entre les très connus et la scène underground. Les Européens respectent vraiment ta musique, et les Américains, non. Je veux dire que les gens en Amérique ne considèrent pas ça important. J'aime vraiment l'Amérique mais il y a de trop gros problèmes là-bas, et en un sens, ça ne m'aidait pas à me construire comme je le souhaitais.
Es-tu satisfaite des chroniques autour de ton album ?
Je pense que ça a été bien reçu. J'en suis très fière. Et j'y ai vraiment cru. J'ai créé mon propre label, Fantomette Records, et je n'ai pas beaucoup de distribution dans le monde pour l'instant. J'en ai juste un peu au Japon et en Europe. Mais l'industrie musicale est à une époque très étrange. Avec la technologie digitale et internet, tu sais, tu n'as en un sens pas vraiment besoin d'avoir ton album chez les disquaires. Je ne sais pas, je pense que c'est bien que j'ai créé ma propre boîte, et je pense que c'est très important et que c'est super que les gens puissent maintenant sortir plus facilement leur disque qu'il y a vingt ans ou même dix ans. Oui, j'en suis vraiment heureuse et je n'ai pas le sentiment que je vais être étiquetée ou quelque chose comme ça, alors que dans le passé tu étais beaucoup comparé. J'ai l'impression que maintenant je ne serais pas catégorisée.
Tu as besoin de te sentir libre...
Je veux créer quelque chose de nouveau. Je veux trouver ma propre voie et essayer de découvrir... Découvrir qui je suis, je suppose (rires)
C'est pour ça que tu ne sonnes comme personne d'autre aujourd'hui...
Je l'espère...
Je le pense.
(son visage s'illumine) Vraiment ? Merci !
Pourquoi as-tu commencé à jouer du saxophone ? Ce n'est pas très commun...
J'ai toujours été férue de musique depuis que je suis gamine, et j'ai voulu essayer plein d'instruments différents. J'ai commencé à vouloir jouer du saxophone quand j'avais je pense treize ou quatorze ans, sûrement treize. Mais j'étais toujours dans les fanfares de l'école, tu vois. Et quand j'ai décidé de faire du saxophone, il y avait déjà trop de saxophones dans la fanfare, donc ils m'ont mise à la flûte, mais c'était horrible, parce que ça ne faisait pas cool du tout. Alors j'ai décidé de revenir à la batterie à la place. Mais, quand j'avais je crois quinze ans, mes parents m'ont acheté un saxophone, donc j'ai commencé à y jouer et j'ai aimé ça. Je ne sais pas, c'était de la musique que j'avais toujours voulu essayer, j'ai toujours voulu essayer différents trucs, c'est le genre de choses qui m'obsède. je pense que c'est parce que je crois que c'est mon truc. Je peux m'exprimer assez bien avec, mieux qu'en chantant ou n'importe quoi d'autre. Je pense que c'est moins personnel que de chanter, il n'y a pas de mot attaché au saxophone, donc tu te sens vraiment libre.
Où trouves-tu toute cette énergie sur scène ?
(pause) Hmm, Je ne sais pas. Je veux dire, c'est comme si sur scène je veux donner quelque chose du mieux que je peux, pour tous les gens qui sont là. J'agis comme si c'était mon dernier jour à vivre. Et j'essaie toujours de le faire en fonction de ça. Parfois, je me sens misérable et horrible à cause de ça, mais j'essaie juste de faire de mon mieux... Jouer avec autant d'énergie que possible. J'aime les spectacles sauvages et pleins d'énergie. Je suis une personne assez timide en général et je n'ai pas l'impression de réussir à être bien avec les gens... Je veux dire, j'aime vraiment les gens, et j'ai toujours sentie que j'étais connectée avec eux, mais je ne sais pas vraiment comment m'entendre avec eux. Tu vois, ce que les gens font et la façon dont ils agissent est assez pathétique et étrange... Et c'est comme si les gens étaient très conservateurs et craintifs et suspicieux et... Je ne cautionne pas ça, je n'aime pas ça. Donc je pense que c'est pour ça que j'ai voulu être une performeuse. Je veux dire, quand tu es sur scène, tu peux faire ce que tu veux, c'est comme un espace libre, tu vois ce que je veux dire. Donc si tu n'utilises pas cet espace libre, que tu ne franchis pas les limites, tu rates quelque chose. Tu as la chance de faire quelque chose d'étrange ou d'être étrange et libre et parfois ça aide d'autres personnes à se sentir libres. Tu fais quelque chose de bien, tu vois. Donc je pense que c'est là tout le but du rock'n'roll. De la puissance et de la liberté. J'étais en train de lire ce livre appelé Dancing In The Streets de Barbara Ehrenreich et c'est un livre vraiment vraiment incroyable. Ça s'intitule "L'histoire de la joie collective" mais c'est genre une histoire de la danse, partant des sociétés primitives, englobant toutes les différentes cultures, et ça parle de comment les gens dansaient ensemble pour atteindre quelque chose de haut, pour atteindre Dieu. Ils aiment tous danser parce que quand les gens dansent, ils sont libres et puissants. C'est pourquoi le rock'n'roll est important, c'est pourquoi la musique est importante, parce que les gens reprennent du pouvoir.
Certains disent sur scène que tu ressembles à une vamp ou une femme fatale, es-tu d'accord avec ça ?
Je suis très branchée par ce genre de performances. Je ne sais pas, j'aime jouer avec, oui. Je pense que c'est amusant. J'aime l'idée que les femmes peuvent être très sexy et hypnotiser et fasciner. J'aime ça, ouais.
Finalement, "is it fire?" or not ?
Bien sûr que ça l'est ! (rires)
Tu aimes le thé ?
Hmm, j'aime beaucoup l'ice tea. Je suis une grande fan d'ice tea. J'aime le thé chaud aussi. J'en ai des tonnes de sachets dans mon sac que j'emmène avec moi et que je bois toute la journée. Beaucoup de thé pour ma gorge, pour chanter. Je fais aussi mes propres thés... Oui, j'aime le thé. Cool.
Si tu étais une femme célèbre, qui serais-tu ?
Hmm. C'est une question très étrange. Je veux dire, je peux seulement dire que je veux vivre ma vie. Je ne peux pas dire que j'aimerais être quelqu'un d'autre. Je n'ai pas nécessairement besoin d'être quelqu'un d'autre. Je veux me sentir bien en étant moi-même.
Qu'aimerais-tu que les gens disent ou fassent après avoir été à l'un de tes concerts ou écouté ton disque ?
Eh bien, le plus beau compliment qu'on puisse me faire c'est d'être là et danser et aimer et se sentir bien. Et si parfois ça donne envie à des gens de faire l'amour, c'est cool aussi.
Quel est ton futur proche ?
Mon futur proche ? Eh bien, je suis en tournée pour l'instant, et puis je vais rentrer à Berlin et travailler sur mon nouveau disque et on l'enregistrera plus tard dans l'année. Et je veux jouer le plus possible. Et travailler sur des clips, je veux en faire pour chaque chanson. C'est assez amusant.
Pour finir, une dernière chose à dire ?
Je te souhaite bonne chance avec ton fanzine et, je ne sais pas, bonne chance pour tout. Aies plein d'interviews et d'expériences et tires-en des apprentissages, oui.
Merci...
Mais de rien ! Tu as eu un CD ? Je t'en donnerai un, passe me voir après le concert.