Ursula Meier a de grandes lunettes à bordure noire. Le genre de monture entre ovale et carré que portent les vieilles tantes collet monté dans les bandes dessinées. Elle aime bien parler de solitude et de drames familiaux. Des "aléas de la vie" qu'elle nous sert à la pelle dans son nouveau long métrage : l'Enfant d'en Haut. On avait découvert la réalisatrice suisse avec un premier film: Home (2008). Ce dernier mettait en scène une famille ébranlée par la construction d'une autoroute sur le pas de sa porte, le tout dans des tons jaunes/orangés et avec Isabelle Huppert dans le rôle de la maman. A l'époque, j'avais carrément fait le casting pour le rôle (discret) de la fille-du-milieu. Et au final le film était cool même sans moi dedans alors je n'avais pas été frustrée en le voyant. C'est dire la coolitude (et mon égo de "pétasse"). Avec ce deuxième long métrage, Ursula Meier touche à nouveau là où il faut. Si bien qu'elle a été distinguée au Festival du Film de Berlin et ça, ça n'est pas rien.
L'Enfant d'en Haut
Ursula Meier, 2012
Ursula Meier, comme on le disait plus haut, est une réalisatrice suisse. Et en bonne suissesse, elle s'empare ici d'un sujet hautement helvète : la montagne. Mais pas sous un angle traditionnel, au contraire, avec l'Enfant d'en Haut, Meier se focalise sur une réalité probablement plus banale que l'on croit. Son regard, à la fois tendre et cru, dévoile le revers d'une fierté nationale de carte postale. Autrement dit, le film n'hésite pas à montrer de la neige sale de village de vallée, dont le James Blunt rutilant des pistes de Verbier n'a même pas idée.
Pour mieux souligner le contraste "haut / bas" qui balise tout le film, le décor a carrément été coupé en deux : une belle station anonyme et une tour brunâtre s'opposent au milieu de nulle part et symbolisent le clivage entre deux altitudes. Dans la volée, elles illustrent les deux théâtres sociaux dans lesquels évoluent les deux protagonistes aux vies cabossées. Car avant toute chose, l'intrigue tourne autour de la relation amour-haine entre un garçon et une fille. D'un côté, Louise (Léa Seydoux) une grosse pouffe de campagne en bottes blanches, n'est bonne à rien et enchaîne les boulots de merde ainsi que les mecs à caisse vrombissante avant de se faire jeter, plus bougonne que jamais. De l'autre, il y a Simon (Kacey Mottet). Un vrai garçon - dans les 12-13 ans - qui chaparde des équipements de ski en station, avant de les revendre à bas prix aux saisonniers et aux gamins de son immeuble. Ces recels sont la principale source de revenus du petit foyer que forment les deux personnages. Coincés dans la tour sans charme évoquée plus haut, Simon et Louise se croisent et se chamaillent. Ils sont comme des frères et soeurs en mauvais termes. Et bien souvent dans l'histoire, le gaillard semble plus mature que son aînée.
Le fragile équilibre de leur situation est souligné par le va et vient de la télécabine - unique trait d'union entre le haut et le bas - que Simon emprunte quotidiennement pour vaquer à ses activités dignes d'un "Robin des Pistes". Ces cabines métalliques semblent par ailleurs être le seul endroit où l'enfant est à son aise. En effet, lorsqu'il n'est pas tout simplement seul, le garçon passe son temps à se cacher. C'est un peu comme s'il devait s'effacer partout. A la maison, quand Louise ramène des mecs, comme en station pour éviter de se faire pincer. Mais dans l'"entre deux", il n'a de comptes à rendre à personne. Et il savoure ces instants privilégiés entre deux bouchées de sandwichs (eux aussi volés dans des sacs-à-dos de touristes). Cela dit, le refuge, deux fois par jour, ne suffit pas à parer entièrement la solitude et le manque d'affection qui accablent Simon. Et très vite, le débrouillard développe d'autres stratégies : un jour, il se choisit une mère fictive pendant quelques minutes en la personne d'une milf anglaise (Gillian Anderson de X-Files) qui l'invite à sa table sur une terrasse d'altitude ensoleillée. En bas, il paie Louise pour qu'elle le prenne simplement dans ses bras.
Le fragile équilibre de leur situation est souligné par le va et vient de la télécabine - unique trait d'union entre le haut et le bas - que Simon emprunte quotidiennement pour vaquer à ses activités dignes d'un "Robin des Pistes". Ces cabines métalliques semblent par ailleurs être le seul endroit où l'enfant est à son aise. En effet, lorsqu'il n'est pas tout simplement seul, le garçon passe son temps à se cacher. C'est un peu comme s'il devait s'effacer partout. A la maison, quand Louise ramène des mecs, comme en station pour éviter de se faire pincer. Mais dans l'"entre deux", il n'a de comptes à rendre à personne. Et il savoure ces instants privilégiés entre deux bouchées de sandwichs (eux aussi volés dans des sacs-à-dos de touristes). Cela dit, le refuge, deux fois par jour, ne suffit pas à parer entièrement la solitude et le manque d'affection qui accablent Simon. Et très vite, le débrouillard développe d'autres stratégies : un jour, il se choisit une mère fictive pendant quelques minutes en la personne d'une milf anglaise (Gillian Anderson de X-Files) qui l'invite à sa table sur une terrasse d'altitude ensoleillée. En bas, il paie Louise pour qu'elle le prenne simplement dans ses bras.
Vous l'aurez compris L'Enfant d'en Haut, n'est pas vraiment un film joyeux. Cela dit, ce serait dommage de le snober, car Ursula Meier filme très bien les sujets qui lui tiennent à coeur. Parfois avec tellement de réalisme qu'on pleurerait presque. Et puis comme elle l'a souligné elle même plusieurs fois lors de l'avant première : L'Enfant d'en Haut n'est pas un film social. On n'y trouve donc pas de jugement moral. Et ce sont bien plus les twists inattendus de l'intrigue qui donnent du relief à l'histoire de ces personnages extrêmement attachants.