Julia Holter
Tragedy
Dans Hippolyte, tragédie du grec Euripide, la déesse Aphrodite est furieuse qu'Hippolyte, le fils du roi Thésée, dédaigne l'amour, les femmes et surtout son pouvoir. Pour se venger, elle décide de rendre Phèdre, la femme de Thésée, folle amoureuse de son beau-fils. Évidemment le dénouement est malheureux, la reine se tue, Hippolyte trouve la mort à cause d'un malentendu avec son père et Thésée reste tout seul pour pleurer. La terrible fatalité à laquelle se heurtent les personnages à cause de la volonté seule d'Aphrodite a fasciné l'artiste Julia Holter et l'a inspirée pour son premier album, le bien intitulé Tragedy.
La référence n'est pas forcément évidente à l'écoute du disque mais il est de toute manière difficile de comprendre toutes les idées de Julia Holter. Née à Los Angeles, elle a étudié la musique électronique au fameux California Institute of the Arts. Depuis elle a fait des choses assez conceptuelles, comme par exemple le projet JJ, où elle mêle chaque mois une musique de son cru avec une vidéo de l'Allemande Jana Papenbroock, ou encore son travail de reprises de chansons étrangères où elle traduit en anglais à partir de la phonétique et des intonations des textes de langues dont elle ignore tout. Elle a aussi enregistré sous le nom Nite Jewelia un morceau avec la chanteuse de Nite Jewel dont les garçons sont amoureux, Ramona Gonzalez. Julia Holter avait certes déjà fait quelques cassettes, mais Tragedy, sorti chez Leaving Records, est un projet de plus grande ampleur encore.
Cet album est extrêmement singulier, la jeune femme y mêlant des sonorités électroniques avec des instruments classiques ou de musique du monde. L'exemple parfait tient en un seul titre - le meilleur du disque d'ailleurs - "Try To Make Yourself A Work Of Art".
Cet album est extrêmement singulier, la jeune femme y mêlant des sonorités électroniques avec des instruments classiques ou de musique du monde. L'exemple parfait tient en un seul titre - le meilleur du disque d'ailleurs - "Try To Make Yourself A Work Of Art".
C'est beau et inquiétant à la fois. L'"Introduction" de Tragedy fait même vraiment peur, avec ces bruits étranges et variés (le vent qui souffle, des craquements, brr). La plupart des morceaux durent plus de sept minutes et sont en majorité des instru/expérimentaux, ce qui fait que l'on voit plus en Tragedy une bande originale qu'un disque avec des chansons commercialisables, si l'on excepte "Try To Make Yourself A Work Of Art" et le presque léger "Goddess Eyes", où la voix de Julia Holter se fait plus claire et charmante. "Interlude" est quant à lui une vraie musique de chambre.
Au final, on a là un objet totalement étrange et qui, honnêtement, ne ressemble à rien. L'album est déroutant et pas forcément accessible au premier abord, mais il n'appelle qu'à une étude plus prolongée pour en apprécier les beautés. Et il a au moins le mérite d'apporter de la nouveauté dans le paysage musical actuel.
"Goddess Eyes"