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8.6.12

Du wtf, du chiant, et du bien cool


Villette Sonique 2012
26 mai : Ariel Pink & R. Stevie Moore
29 mai : Julia Holter, Peaking Lights
30 mai : Girls, Tristesse Contemporaine

Alors que la fête de l'Huma et autres manifestations gratuites nous sortent toujours des atrocités comme Yannick Noah ou Nolwenn Leroy, la Villette Sonique affiche toujours une programmation léchée et défricheuse. Certes, il y avait beaucoup d'electro, ce qui n'est pas vraiment notre truc, mais on a quand même pu voir de très bonnes choses, en plein air, et surtout en concerts payants. Retour sur un week end beaucoup trop chaud. 

Samedi 26 mai : Ariel Pink & R. Stevie Moore en plein air

Ariel Pink voit en R. Stevie Moore, vieux barbu de Nashville qui a, en plus de cinquante ans, écrit pas moins de quatre centaines d'albums, une sorte de père spirituel. Sauf que l'élève a dépassé le maître en terme de célébrité. R. Stevie Moore s'en fout, tant qu'assez de personnes paient le téléchargement de ses disques pour qu'il puisse s'acheter des bananes. Et il peut même profiter de la hype qui entoure Ariel Pink pour se réhabiliter, un peu comme ce qui se passe entre un autre Californien, Christopher Owens de Girls, et Lawrence. L'année dernière, Ariel Steven Moorepink se sont associés autour d'un projet extravagant et lo-fi baptisé Ku Klux Glam, qu'ils ont joué en exclu à la Villette Sonique. Summum de l'absurde, ce concert en peignoirs était une des plus réjouissantes prestations qu'il nous ait été donné de voir. Leur morceau d'entrée, "Stevie Pink Javascript", restera la plus belle pépite wtf du set, avec les voix d'enfant/chat de Pink et le pseudo rap de Moore, qui avait une jolie barbe bleue pour l'occasion. A moins que ce ne soit leur reprise de "Love Me Do". Ces deux-là se sont construits un univers complètement loufoque, mais ils ont la force, sur scène surtout (l'enregistrement étant moins évident), de communiquer au public leur plaisir visible à faire les cons ensemble, plutôt que de faire les autistes.

1.3.12

Chant des sirènes

Julia Holter
Ekstasis

La plupart des gens ne font rien de fascinant dans leurs chambres. Ils y dorment, défont les draps, ou passent des heures devant leur ordinateur à perdre leur temps. Et il n'y a pas forcément à culpabiliser de cela. Sauf peut être quand on remarque que des personnes peuvent, elles, travailler et sortir de très belles choses par la porte de leur chambre. Comme Julia Holter, qui, depuis son appartement de Los Angeles, compose et enregistre en qualité et en quantité impressionnantes une musique qu'elle a mûrement réfléchit au fil du temps, du haut de ses 27 printemps.

En ce début du mois de mars sort Ekstasis, le second album de Julia Holter, qui suit de seulement cinq mois son prédécesseur. Tragedy était un beau projet qui nous révélait la jeune femme et son talent, notamment grace à l'impressionnant "Try To Make Yourself A Work Of Art". Mais malheureusement, Julia Holter finissait par perdre l'auditeur avec ses expérimentations parfois trop poussées, même pour les personnes très ouvertes. Ekstasis est le disque qui pourra confirmer aux uns le potentiel d'Holter, et séduire les autres. Car cet album est beaucoup plus abordable que le premier.

Dès le début on remarque un changement important. Cette fois-ci pas de longue Introduction sombre et effrayante avec un mélange de bruits de vent et de sons ressemblant à des plaintes d'animaux, non.  A la place, il y a "Marienbad" et ses chants a capella  avec une voix aigüe rassurante et mignonne, presque naïve, avec ça et là quelques arrangements musicaux classiques. On n'a plus en tête l'image d'une forêt hantée, mais plutôt d'un jardin ensoleillé avec de belles fontaines (bon il va falloir arrêter les comparaisons sérieusement). Mais Julia Holter reste ce qu'elle est, une artiste qui expérimente. Alors soudain, le ton change brusquement, le ciel est plus menaçant et s'assombrit de seconde en seconde, on ne reconnait plus la chanson. Et puis à peine une minute après, le morceau, décidément schizophrène,  reprend ses atours de musique de chambre légère et lumineuse. Cet incipit représente bien l'ensemble d'Ekstasis et la construction complexe de chacun des morceaux. Confirmation juste après avec "Our Sorrows", un titre plus triste, où la Californienne utilise une technique de chant qui rappelle beaucoup les musiques d'Asie, tandis qu'une  batterie martiale se fait de plus en plus présente pour finalement s'évaporer à nouveau.
"Marienbad"

17.10.11

"Try to make yourself a work of art"

Julia Holter
Tragedy

Dans Hippolyte, tragédie du grec Euripide, la déesse Aphrodite est furieuse qu'Hippolyte,  le fils du roi Thésée, dédaigne l'amour, les femmes et surtout son pouvoir. Pour se venger, elle décide de rendre Phèdre, la femme de Thésée, folle amoureuse de son beau-fils. Évidemment le dénouement est malheureux, la reine se tue, Hippolyte trouve la mort à cause d'un malentendu avec son père et Thésée reste tout seul pour pleurer. La terrible fatalité à laquelle se heurtent les personnages à cause de la volonté seule d'Aphrodite a fasciné l'artiste Julia Holter et l'a inspirée pour son premier album, le bien intitulé Tragedy

La référence n'est pas forcément évidente à l'écoute du disque mais il est de toute manière difficile de comprendre toutes les idées de Julia Holter. Née à Los Angeles, elle a étudié la musique électronique au fameux California Institute of the Arts. Depuis elle a fait des choses assez conceptuelles, comme par exemple le projet JJ, où elle mêle chaque mois une musique de son cru avec une vidéo de l'Allemande Jana Papenbroock, ou encore son travail de reprises de chansons étrangères où elle traduit en anglais à partir de la phonétique et des intonations des textes de langues dont elle ignore tout. Elle a aussi enregistré sous le nom Nite Jewelia un morceau avec la chanteuse de Nite Jewel dont les garçons sont amoureux, Ramona Gonzalez. Julia Holter avait certes déjà fait quelques cassettes, mais Tragedy,  sorti chez Leaving Records, est un projet de plus grande ampleur encore.

Cet album  est extrêmement singulier, la jeune femme y mêlant des sonorités électroniques avec des instruments classiques ou de musique du monde. L'exemple parfait tient en un seul titre - le meilleur du disque d'ailleurs - "Try To Make Yourself A Work Of Art". 

C'est beau et inquiétant à la fois. L'"Introduction" de Tragedy fait même vraiment peur, avec ces bruits étranges et variés (le vent qui souffle, des craquements, brr). La plupart des morceaux durent plus de sept minutes et sont en majorité des instru/expérimentaux, ce qui fait que l'on voit plus en Tragedy une bande originale qu'un disque avec des chansons commercialisables, si l'on excepte "Try To Make Yourself A Work Of Art" et le presque léger "Goddess Eyes", où la voix de Julia Holter se fait plus claire et charmante. "Interlude" est quant à lui une vraie musique de chambre. 
Au final, on a là un objet totalement étrange et qui, honnêtement, ne ressemble à rien. L'album est déroutant et pas forcément accessible au premier abord, mais il n'appelle qu'à une étude plus prolongée pour en apprécier les beautés. Et il a au moins le mérite d'apporter de la nouveauté dans le paysage musical actuel.

"Goddess Eyes"