Pour notre dossier sur les fans, on a demandé à des gens de nous raconter comment ils vivaient la chose.
Texte : Fanny
Illustration : Lola Félin
Texte : Fanny
Illustration : Lola Félin
Je n'ai jamais été à proprement parler "fan" d'une personnalité ou d'un groupe. C’est sans doute pour ça que je n'ai jamais rien à répondre à la question "Quel est ton groupe préféré". J'ai plutôt en tête un panthéon d'œuvres, d'auteurs, de groupes qui m'ont obsédée sur de courtes périodes. Il m'est cependant arrivé d'éprouver quelquefois un sentiment d'adoration irrationnel et démesuré, momentané, pour certaines œuvres et leurs auteurs. Mais ce qui me pétrifie alors, dans ma relation à l'artiste, c'est l'idée de la rencontre. La peur profonde d'approcher quelqu'un qui doit certainement se contre-foutre de ce que je peux penser de son travail.
J'avais dix-sept ans environ ce soir là, lorsque j'ai pris mon vélo pour me rendre dans la nuit au Lieu Unique. Une rencontre était organisée avec Anne Wiazemski autour de la sortie de son nouveau livre, Jeune fille. A l'époque, je ne connaissais pas sa carrière d'actrice, je n'avais pas encore vu La Chinoise. Mais j'avais été attirée par la teneur autobiographique du bouquin, qui raconte son entrée dans le monde du cinéma à l'occasion du tournage de Au hasard Balthazar de Robert Bresson. Elle était alors à peine majeure, le même âge que moi au moment de ma lecture. J'étais alors sensible aux livres qui pouvaient entrer en résonance avec tous ces questionnements sur ma propre condition de jeune fille, et celui-ci m'avait sincèrement remuée. Wiazemski y décrit cette étrange expérience qui l'a vue devenir très proche de Bresson, malgré cette différence d’âge. Le réalisateur noue alors une relation complexe avec elle, presque fusionnelle. Sur le tournage, il la fait dormir dans une chambre attenante à la sienne, de façon à l'avoir toujours près de lui. Il n'est jamais question de désir sexuel de sa part pour la jeune fille, mais plutôt d'une possessivité jalouse, entre celle du père et du démiurge. Paradoxalement, il n'hésite pas à la mettre dans des situations inconfortables lors du tournage de certaines séquences, conformément à ses habitudes de mise en scène qui visent à éprouver l'acteur pour saisir l'instant juste.